Sur le plateau des Mille étangs, dans le département de la Haute-Saône, la RNR de la Tourbière de la Grande Pile se déploie sur près de soixante hectares au pied des Vosges.
Pourquoi le site a-t-il été classé Réserve naturelle régionale ?
Sa tourbière s’est mise en place sur un ancien lac, apparu il y a 130 000 ans lors de la fonte d’un glacier voisin. Lors des périodes de glaciation et de fonte suivantes, ce lac a échappé aux nouveaux bouleversements. Ce sont donc 130 000 ans d’archives naturelles qui sont restés disponibles. Il est rare de conserver une telle continuité sédimentaire. De grandes avancées sur la connaissance des climats passés ont pu être réalisées grâce à des carottages dans les années 1970-1990. Outre son caractère exceptionnel du point de vue des recherches scientifiques, la Grande Pile représente la plus vaste tourbière de Haute-Saône, un milieu humide devenu peu répandu et à la biodiversité particulière.
Comment le site est-il géré ?
Le Conservatoire d’espaces naturels de Franche-Comté a débuté une démarche de gestion au début des années 2000. L’idée de proposer le classement en Réserve a germé en 2009, en dialogue avec la commune de Saint-Germain. Après une longue phase de concertation et d’acquisition foncière par la commune et le Conservatoire, la Réserve a vu le jour en 2016. Son premier plan de gestion est toujours en cours. Il est mis en œuvre par le Conservatoire, désigné par la Région comme gestionnaire. Au programme : amélioration des connaissances, restauration des habitats avec notamment un maintien des milieux ouverts ayant tendance à se refermer, sensibilisation et accueil du public…
Quels sont les milieux et habitants du site ?
Par rapport aux autres tourbières, la Grande Pile a la spécificité d’être à basse altitude, à environ 330 m. La forêt de bouleaux est majoritaire, avec des ourlets d’aulnaies et de chênaies. Riche en champignons et en insectes, elle abrite des oiseaux peu fréquents comme le Gobemouche à collier et le Pic cendré. Dans les milieux tourbeux ouverts, poussent la rare et discrète Scheuchzérie des marais et des plantes protégées comme l’Andromède à feuilles de polium, ou les fameuses carnivores que sont la Droséra à feuilles rondes et la Droséra intermédiaire. Moins connues du grand public, on y trouve certaines mousses hors du commun parmi le genre des sphaignes, comme Sphagnum majus, qui a été découverte pour la première fois en France sur le site. Cette végétation, mais aussi les pièces d’eau de la Réserve, profitent à de nombreuses libellules, telles la Cordulie arctique et la Leucorrhine à gros thorax. Les milieux humides sont également affectionnés par les oiseaux. Ainsi, le site compte parmi les rares de Franche-Comté à accueillir la Sarcelle d’hiver pendant sa nidification.
Luc BETTINELLI, Chargé de mission en charge de la Réserve naturelle régionale de la Tourbière de la Grande Pile au Conservatoire d’espaces naturels de Franche-Comté
Point recherche
L’exploitation de la tourbe et les drainages passés ont affecté les fonctionnalités de la tourbière, qui a en permanence besoin d’un niveau d’eau affleurant ou sub-affleurant. En 2009, un seuil a été créé pour retenir l’eau sur la Grande Pile. Il s’agissait des balbutiements de la restauration de tourbières. Depuis, les connaissances ont évolué. On s’aperçoit que les bonnes solutions ne sont pas simples, car les flux d’eau sont complexes. Il faut aussi prendre en compte les flux de nutriments : une remise en eau remobilise parfois du phosphore, ce qui est néfaste aux plantes des tourbières adaptées à très peu de nutriments. Beaucoup d’études ont été menées sur la Réserve pour comprendre précisément sa topographie, son histoire, son eau… Une synthèse est en cours pour décider des interventions futures.
Pour en savoir plus
Avec la Balade des 1 000 temps, découvrez les environs de la Réserve avec une belle randonnée familiale de 5 km et ses 8 stations d’interprétation au départ de l’étang des Monts Reveaux. Téléchargez aussi la fiche de présentation de la RNR sur le site Internet du Conservatoire d’espaces naturels de Franche-Comté : http://cen-franchecomte.org/fich_59521/fichesiternrtourbieregrandepileweb.pdf.
Ouvrage de Bourgogne-Franche-Comté Nature
Le n° 23 de la revue BFC NATURE vous propose d’entrevoir l’enjeu de l’eau dans les tourbières à travers les actes des 31es rencontres du Groupe d’étude des tourbières.