Morvan : des microchampignons retracent l’histoire de l’élevage

Questions de Nature

Morvan : des microchampignons retracent l’histoire de l’élevage

En étudiant les champignons présents dans les zones humides pâturées, les scientifiques cherchent à compléter nos connaissances sur l’histoire du pastoralisme dans le Morvan et dans le monde.

Pourquoi lancer une étude sur des microchampignons dans le Morvan ?

Des carottages avaient déjà été réalisés dans les tourbières du Morvan dans le cadre de recherches visant à reconstituer l’histoire de la végétation du massif par l’étude des pollens fossiles. Ces prélèvements contenaient aussi des restes d’autres organismes, notamment des spores de champignons qui ont été analysées. Parmi les espèces rencontrées, on trouve des champignons coprophiles, qui se développent sur les déjections d’herbivores. Ils sont de plus en plus utilisés comme marqueurs pour retracer l’histoire de l’élevage. Certaines plantes peuvent être indicatrices, comme l’ortie, qui pousse grâce aux nitrates produits lors de la décomposition des déjections, ou les plantains, qui croissent sur les sols piétinés. Cependant, ces végétaux peuvent être abondants dans le cadre d’autres activités humaines. Les microchampignons, eux, sont bien spécifiques à la présence d’herbivores. Visuellement, ils s’apparentent à des moisissures.

Qu’est-ce que l’observatoire RéSO2 ?

Il a été créé en 2019 dans le cadre d’une collaboration entre le laboratoire Chrono-environnement (CNRS-Université de Bourgogne-Franche-Comté) à Besançon et la Réserve Naturelle Régionale des Tourbières du Morvan, dans le but d’exploiter les données déjà obtenues sur les champignons coprophiles morvandiaux des sept derniers millénaires en se dotant d’un référentiel. Pour cela, de petites trappes ont été installées sur des tourbières, majoritairement situées sur la Réserve. Elles recueillent les spores des microchampignons d’aujourd’hui, soit directement quand les champignons les éjectent à quelques mètres autour d’eux, soit lorsque les herbivores les libèrent dans leurs excréments (certains champignons accomplissent leur cycle par un passage dans le tube digestif des animaux). Des mousses dans lesquelles les spores se déposent sont aussi récoltées. Ces prélèvements s’effectuent sur le parcours pastoral de troupeaux de moutons, vaches Highland, charolaises, chevaux, mais aussi cochons, élevés selon les standards de l’agriculture biologique. Deux sites témoins sont seulement fréquentés par la faune sauvage.

Pollens et spores s’étudient-ils de la même façon ?

Leur analyse est semblable, avec une même préparation avant observation au microscope optique. Dans les deux cas, il s’agit de microfossiles dont les propriétés physiques permettent un bon état de conservation. Chaque spore fait l’objet d’un dénombrement et d’une identification. Sa forme permet de déterminer de quelle espèce elle provient. En comparant le jeu de données issu du passé et l’actuel, il sera possible d’interpréter ce que tel ou tel assemblage de champignons signifie en termes de pastoralisme.

Le mot de l’experte

Isabelle JOUFFROY-BAPICOT, Palynologue ingénieure de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique, Laboratoire Chrono-environnement, Université de Franche-Comté

Quelles réponses attendez-vous grâce à cet observatoire ?

Les spores sont-elles différentes selon le milieu, la nature du cheptel, son importance, la durée de son passage ? Existe-t-il un effet de seuil qui rendrait le pâturage néfaste pour l’écosystème lorsque le troupeau atteint une certaine taille ? Jusqu’à ce jour, rares sont les études conduites avec un tel protocole. Les résultats pourront être utiles à la communauté scientifique mondiale pour affiner les interprétations des milieux des millénaires passés. Dans le Morvan, nous cherchons à déterminer la place de l’élevage dans les paysages et l’économie d’autrefois. Nous souhaitons aussi comprendre comment les tourbières étaient utilisées dans les parcours pastoraux. Les conclusions pourront également servir dans les choix de gestion actuels.

Pour en savoir plus

Retrouvez l’histoire de l’évolution de la végétation du Morvan par l’analyse des pollens fossiles dans le Hors-série n° 3 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature.

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