Les forêts face aux dangers des changements globaux

Questions de Nature

Les forêts face aux dangers des changements globaux

La forêt de Bourgogne-Franche-Comté se trouve actuellement dans une situation inédite : les crises sanitaires se succèdent sans interruption, appelant toute notre attention pour l’avenir des arbres.

Les sécheresses mettent-elles en péril les arbres ?

Les arbres savent mettre en œuvre des stratégies de régulation en stoppant leur croissance et en fermant leurs stomates*. Cela se manifeste par un jaunissement-rougissement des feuilles, par exemple observé dans certaines hêtraies-charmaies à l’été 2018 et 2019. Cependant, un stress hydrique prolongé (comme en 2018 et 2019) peut être fatal. Le manque d’eau peut provoquer des embolies gazeuses, c’est-à-dire l’apparition de bulles d’air dans les branches et le tronc entraînant parfois la mort de l’arbre. Face à des aléas climatiques forts, l’incidence sur la vitalité des arbres se manifeste sur différents temps. On constate parfois une mortalité directe, mais souvent, les phénomènes de dépérissement perdurent plusieurs années après l’aléa, en lien avec le développement de parasites de faiblesses.

Il faut donc s’attendre à de tels phénomènes pour les sécheresses déjà passées.

Pourquoi les ravageurs font-ils plus de dégâts aujourd’hui ?

À la faveur de la hausse des températures, le cycle de développement de certains insectes s’accélère et entraîne des pullulations. Les arbres déjà affaiblis par la sécheresse sont beaucoup plus fragiles face aux attaques. Ainsi, l’épidémie de scolytes* débutée sur la région en 2018 a ravagé des plantations d’épicéas et de sapins. En revanche, les pessières* naturelles du Haut-Jura restent épargnées jusqu’à présent, car les arbres sont ici dans leur optimum écologique et sont donc beaucoup plus résistants. 2019 a été marquée par une défoliation de plus de 1 000 ha de chênaies-charmaies en Val-de-Saône par la chenille du bombyx disparate, un papillon autochtone qui n’avait pas pullulé depuis plus de 25 ans en région. La mondialisation amène aussi de plus en plus d’espèces nouvelles, comme la pyrale du buis, papillon asiatique dont la chenille défolie les buis tel un feu de forêt en région depuis 2017. On peut aussi citer la chalarose du frêne, champignon venu d’Asie, ou encore la cécidomyie des aiguilles du douglas, une mouche d’Amérique du Nord. Dans leur écosystème d’origine, ces espèces ont des parasites et prédateurs qui régulent leur expansion.

Que faire pour protéger les forêts ?

Le Département de la Santé des Forêts, grâce à un réseau de correspondants-observateurs (techniciens de l’ONF*, du CNPF*, des Chambres d’agriculture, des DDT*…), exerce une veille permanente pour détecter au plus tôt tout problème. Il apporte aussi son expertise pour favoriser la résistance des forêts. Cela passe également par un mélange des essences, une valorisation de la régénération naturelle, l’introduction ponctuelle d’essences adaptées au futur climat… La forêt s’appréhende sur un temps long de l’ordre du siècle. En cas d’accident, il faut plusieurs dizaines d’années à une forêt pour se reconstituer. Il est donc primordial d’anticiper sa sauvegarde en adaptant nos pratiques au plus vite.

Le mot de l’expert

Mathieu MIRABEL, Responsable du Département de la Santé des Forêts pour la région Bourgogne-Franche-Comté

Pourquoi les effets des changements ne sont pas identiques partout ?

Une essence ne réagit pas de la même façon selon le territoire. Les arbres croissent dans un écosystème forestier complexe et chaque fois différent, qui entre forcément en compte dans leur survie. En 2020, nous avons lancé une étude pour mieux caractériser les aléas climatiques récemment survenus sur les hêtraies en Franche-Comté et pour tenter de définir les facteurs de vulnérabilité de ces hêtraies dépérissantes post-2018 : sur quel type de sol étaient implantés les arbres touchés ? Quel était leur âge, l’historique sylvicole pratiqué ? L’objectif est de pouvoir affiner les préconisations en direction des gestionnaires et propriétaires forestiers.

Pour en savoir plus

Dans le n° 29 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature, découvrez un article décrivant les événements liés aux ravageurs et aux extrêmes climatiques survenus en 2017 en Bourgogne-Franche-Comté.

Mini-glossaire

CNPF : Centre National de la Propriété Forestière.
DDT : Direction Départementale des Territoires.
ONF : Office National des Forêts.
Pessière : forêt d’épicéas.
Scolyte : insecte coléoptère se nourrissant d’arbres.
Stomate : petit trou situé sur les feuilles servant à l’évapotranspiration.

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