Urgence pour les vanneaux et les courlis de la vallée du Drugeon

 Publié le 20 mars 2022

Pour éviter leur extinction locale dans l’un des plus importants réseaux de tourbières français, le Vanneau huppé et le Courlis cendré font l’objet de toutes les attentions.

Pourquoi la vallée du Drugeon est-elle remarquable ?

C’est le plus grand massif tourbeux français d’altitude. Elle est reconnue localement et internationalement par divers classements : ENS*, Réserves naturelles régionales, site Natura 2000, site Ramsar*. Elle est située dans le Doubs et le Jura, entre 850 et 1 100 mètres d’altitude. À la fin de la dernière glaciation, le retrait des glaciers y a dispersé de façon hétérogène des matériaux dits morainiques*. Cela a conduit à la création de zones d’eau où l’accumulation de végétation a progressivement formé des tourbières, qui abritent une biodiversité exceptionnelle. Celles-ci sont environnées d’une mosaïque de milieux particulièrement riches. Parmi les habitants, figurent le Courlis cendré et le Vanneau huppé, deux petits échassiers dont la baisse des effectifs nous alarme.

Quelles menaces pèsent sur ces deux oiseaux ?

Les nicheurs sont classés en danger d’extinction en Franche-Comté. La vallée du Drugeon endosse une forte responsabilité dans leur conservation, car elle accueille les dernières populations montagnardes de Franche-Comté. Or entre 1994 et aujourd’hui, le Vanneau huppé est passé de 74 couples à une quinzaine, le Courlis cendré d’une trentaine à une douzaine.

 Liés aux prairies paratourbeuses et milieux humides, ils souffrent d’une dégradation de leurs habitats : fragmentation, grignotage des marais au profit de terres agricoles, assèchement par drainage… Comme ils nichent au sol, ils sont très vulnérables. L’hersage de la terre en mars, à leur retour de migration, ou le fauchage lors de leur nidification peuvent être dérangeants, voire fatals. Les chiens qui divaguent et débusquent les oiseaux peuvent occasionner aussi des échecs de nichées à cause du refroidissement des œufs. Si la prédation est certes naturelle, elle peut être accentuée par des facteurs humains comme le dépôt de tas de fumier qui peut augmenter la concentration de corneilles prédatrices d’œufs. Enfin, ces deux espèces migratrices sont chassables, notamment sur les zones d’hivernage.

En quoi consiste le plan local d’actions pour maintenir les populations ?

Depuis 2011, nous localisons les couples nicheurs et les nids. La première étape est de prévenir les propriétaires. S’il s’agit d’un espace agricole, les agriculteurs déjà engagés dans des Mesures agro-environnementales et climatiques de fauche tardive au 15 juillet ont une pratique compatible avec la bonne reproduction des oiseaux. Sinon, nous les encourageons à adapter leurs pratiques, avec si besoin une mobilisation de fonds pour compenser des pertes de rendement. Nous sensibilisons sur la nécessité de rester sur les sentiers et de garder son chien en laisse. Nous déployons aussi des filets électrifiés autour de certains nids contre les prédateurs terrestres. En tant que gestionnaire, nous menons des actions de restauration des tourbières indirectement favorables aux oiseaux.


 

 

 

 Le mot de l’experte

Camille BARBAZ, Chargée de missions Natura 2000* à l’Établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau Haut-Doubs Haute-Loue

La situation s’améliore-t-elle grâce à vos actions ?

Le Courlis cendré est toujours en régression, mais la chute de ses effectifs est moins rapide. L’espèce pouvant vivre une trentaine d’années, l’envol d’un ou deux jeunes par an pourrait suffire à maintenir la population. Les effectifs du Vanneau huppé sont en légère hausse. Les résultats sont donc encourageants, mais la stabilisation reste fragile. Le protocole de protection des œufs par filets offre clairement de bons résultats, mais il est difficile d’identifier les leviers les plus efficaces étant donné la multifactorialité du déclin. En collaboration avec des scientifiques de La Rochelle, nous allons chercher à qualifier et quantifier les ressources alimentaires des oiseaux pour comprendre si la nourriture est aussi en jeu.

 

 


 

Pour en savoir plus

Dans le n° 31 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature, retrouvez un article détaillé de Camille BARBAZ sur le suivi et la protection des nichées de Courlis cendré et de Vanneau huppé dans la vallée du Drugeon pour enrayer la chute de leurs populations.

Mini glossaire

ENS : Espace naturel sensible, outil de protection des espaces naturels employé par les Départements.
MAEC : Mesures Agro-Environnementales et Climatiques, aides financières européennes pour les agriculteurs s’engageant dans des pratiques respectueuses de l’environnement.
Moraine : amas de rochers transportés par un glacier.
Natura 2000 : réseau européen de sites naturels ayant une valeur patrimoniale et faisant l’objet d’une charte visant à leur protection.
Site Ramsar : zone humide reconnue d’importance internationale.

 

 

 

 

 

 

Rechercher

Partagez :

Consulter d’autres articles : 

Aux aguets pour les zones humides

Après avoir subi une régression rapide et alarmante au 20e siècle, les zones humides bénéficient d’un regain d’attention. Qu’entend-on par « zones humides » et pourquoi veiller sur

Nos dernières publications :