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Prendre soin des sols, un levier contre le changement climatique

Si les regards se tournent d’abord vers les océans et les forêts pour trouver des solutions face aux émissions de gaz à effet de serre, les sols devraient aussi occuper le devant de la scène.

Pourquoi citer les sols dans la lutte contre le changement climatique ?

On mentionne souvent le fait que le phytoplancton* des océans capte une grande quantité de CO2, de l’ordre de 25 % des émissions dues à l’Homme chaque année. C’est vrai, mais on néglige l’importance du sol en tant qu’autre puits de carbone majeur. Les sols recèlent 50 à 75 % de la biomasse* vivante des écosystèmes terrestres. La matière organique* qu’ils contiennent est estimée à 1 100 milliards de tonnes. Le sol d’un champ abrite ainsi une dizaine de tonnes de biomasse vivante par hectare. Cet aspect a été mis sous les projecteurs lors de la COP21 de 2015 avec l’initiative « 4 pour 1 000 », grâce aux interventions de Stéphane le Fol, alors ministre de l’agriculture, s’appuyant sur des travaux de l’INRAE*.

À quoi correspond ce ratio de « 4 pour 1 000 » ?

Il s’agit d’un objectif chiffré qui prône, à l’échelle de la planète, une augmentation de matière organique dans les sols de 0,4 % tous les ans pour compenser toutes nos émissions de gaz à effet de serre. Si la matière organique des sols joue un rôle primordial d’un point de vue agronomique (fourniture d’éléments nutritifs pour la plante par minéralisation, rétention de l’eau du sol, donc meilleure résistance à la sécheresse…), elle diminue également les pertes de carbone dans l’atmosphère. Chaque année, l’humanité libère 4,5 milliards de tonnes de carbone sous forme de CO2. Le rapport entre ces 4,5 milliards de tonnes et les 1 100 milliards de tonnes de matière organique des sols revenant à 0,004, on peut dire que notre production de CO2 équivaut à 0,4 % du carbone stocké dans les sols.

Comment augmenter concrètement la matière organique dans les sols ?

Pour les agriculteurs, cela implique de s’inscrire dans une démarche de conservation. Il s’agit de travailler les sols le moins possible, en limitant le nombre et la profondeur des labours et en favorisant les semis directs dans les champs. La couverture végétale permanente des sols et l’ajustement des techniques de fertilisation doivent être aussi considérés. L’attention apportée à la reforestation est pertinente dans la lutte pour le climat, mais une forêt s’impose durablement sur un territoire et ne peut couvrir toutes les surfaces, puisque nous devons subvenir à nos besoins. Les terres agricoles ont l’avantage de ne pas engager les générations futures, leur usage pouvant évoluer à tout moment, et de pouvoir être des alliées dans notre lutte contre les gaz à effet de serre. La préservation des écosystèmes non exploités par l’Homme, en particulier les tourbières où s’accumulent des mètres de matière organique non décomposée, est par ailleurs stratégique.

Alain DELAVEAU, Docteur ingénieur membre du Conseil scientifique du Parc naturel régional du Morvan

Le mot de l’expert

La limitation voire l’interdiction de l’artificialisation des sols est évidemment incontournable pour que ceux-ci puissent assurer une fonction de puits de carbone. Mais malgré l’enjeu, on constate combien les freins sont présents sur le terrain. La loi Climat et résilience votée en 2021, qui vise notamment à restreindre l’artificialisation des sols, a été décriée par certains parce qu’elle n’était pas assez volontariste, qu’elle ne faisait pas avancer assez vite. A contrario, une fois adoptée, les communes rechignent à laisser les sols en vie, car elles veulent poursuivre leur développement comme autrefois. Il nous faut collectivement prendre conscience de tout l’intérêt de ces mesures en faveur des sols et agir sans relâche.

Pour en savoir plus

Deux conseils de lecture pour nourrir les réflexions sur le sol : L’origine du monde, une histoire naturelle du sol à l’intention de ceux qui le piétinent, de Marc-André Selosse et Le sol, enquête sur un bien en péril, de Frédéric Denhez.

Mini-glossaire

Biomasse : ensemble de la matière organique.

INRAE : l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement.

Matière organique : matière carbonée fabriquée par les êtres vivants.

Phytoplancton : algues microscopiques aquatiques.

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