Nexus : une affaire d’interconnexions à l’aire des crises

illu Nexus

Le nouveau rapport du surnommé « GIEC de la biodiversité » s’intitule « Nexus », mot désignant un ensemble complexe, une connexion. Connexion qui se révèle à la fois problème et solution face aux crises actuelles.

Qu’est-ce que Nexus ?

C’est le rapport rendu par l’IPBES* en décembre 2024 qui évalue les liens entre crises de la biodiversité, du changement climatique, de la ressource en eau et de la santé dans le contexte du changement climatique. En se basant sur la somme des connaissances existantes et grâce à l’analyse d’un groupement de scientifiques internationaux, il dresse le constat suivant : traiter ces crises séparément est inefficace, et même délétère. Par exemple, pour accroître la production alimentaire, l’agriculture conventionnelle développée depuis les années 1960 a conjointement engendré pollutions, perte de biodiversité et de diversité alimentaire, problèmes de santé… Un exemple complémentaire : pour baisser les émissions de gaz à effet de serre, l’un des leviers consiste à diminuer la consommation de viande. Cependant, si on remplace tous les élevages par des champs cultivés en agriculture conventionnelle, cela va avoir un impact négatif sur les points précités.

Comment remédier à cela ?

Il faut arrêter de penser de manière cloisonnée pour adopter une approche nexus. On ne peut pas gagner sur tous les tableaux, mais l’objectif est de trouver les meilleurs compromis. L’IPBES propose 75 solutions concrètes pour agir ainsi dans une logique de co-bénéfices sur un maximum de domaines. Le coût de l’inaction actuelle a été chiffré entre 10 000 milliards et 25 000 milliards de dollars par an, soit l’équivalent de 10 à 25 % du PIB mondial annuel. On sait que ce coût va augmenter rapidement si l’inaction perdure. Pour le volet biodiversité, il aura doublé dans 10 ans. Il y a urgence, et chacun d’entre nous a localement un rôle à jouer dans la lutte contre ces crises communes. Nexus met en évidence combien s’inscrire dans la coopération, l’équité et l’adaptation fournit des résultats supérieurs.

De tels rapports sont-ils vraiment utiles ?

Ils servent au moins à prendre date : depuis la publication de Nexus, qui s’ajoute à d’autres rapports, il n’est plus possible de feindre l’ignorance. Les scientifiques font leur part du travail, celui de porter à connaissance auprès des décideurs des faits scientifiques avérés. Le degré de solidité de ceux-ci est systématiquement précisé, pour la plupart « well established »*. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, toutes les sources sont citées dans le rapport final de 1 700 pages. Si l’IPBES n’a pas vocation à formuler des recommandations, il avance des « options » (les solutions évoquées plus haut). Un résumé d’une cinquantaine de pages à l’intention des décideurs vulgarise l’essentiel et est approuvé par les 147 États membres.

portrait GIRAUDOUX
Patrick GIRAUDOUX, Professeur émérite d’écologie à l’Université de Marie et Louis Pasteur, Unité de recherche Chrono-Environnement, auteur principal du rapport Nexus

L’évaluation Nexus a nécessité 3 ans de travail mobilisant 165 scientifiques de 57 nations avec une méthodologie dite itérative : rédaction d’une première version soumise à évaluation publique, puis deuxième version soumise à une nouvelle évaluation externe, puis rédaction d’une version finale validée enfin par les 147 États membres. Bien que les formulations soient sujettes à discussions, il n’y a pas de négociations sur le fond. C’est le fait scientifique qui prévaut. Pour chaque chapitre, il est recherché entre contributeurs une parité de genres, de provenance géographique, et de représentativité entre sciences dures et sciences humaines. Je suis l’un des auteurs principaux du premier chapitre introductif. Je craignais initialement un effet « tour de Babel » où personne ne se comprendrait, tant nous venions de cultures et de disciplines différentes, mais il n’en a rien été. Ma plus grosse surprise a été la facilité avec laquelle nous avons travaillé ensemble dès le premier jour.

Pour en savoir plus

La ville de Besançon (25) accueillera les 19 et 20 septembre, les 21e Rencontres Bourgogne Franche-Comté Nature sur le thème “La nature la nuit”. Un appel à communications est ouvert sur www.bfcnature.fr pour proposer des idées de conférences, de stands ou d’expositions.

 

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