Les événements climatiques extrêmes du passé en Bourgogne-Franche-Comté, une clé pour l’avenir

Grâce à l’étude de sources anciennes, l’historien retrouve le climat des siècles précédents. Une mine d’enseignements qui pourraient nous être utiles pour faire face aux événements climatiques à venir.

Quelles sont les données disponibles pour appréhender le climat antérieur de Bourgogne-Franche-Comté?

L’historien analyse les archives phénologiques*, c’est-à-dire les données liées à la croissance des plantes, influencée par la météorologie. Autrefois, nos sociétés essentiellement rurales étaient très attentives à la végétation, en particulier à celle dédiée à l’alimentation de l’Homme et de son bétail. Très tôt, les dates de maturité des fruits ont été consignées par écrit. C’est ainsi que les bans de vendanges des Hospices de Beaune permettent de reconstituer l’histoire climatique de la région depuis le 14e siècle, des températures moyennes pouvant être extrapolées à partir des dates. Étaient ainsi consignées des informations sur le blé, le seigle, l’herbe… Les archives administratives au sens large représentent un véritable trésor. L’Église, détentrice de grandes propriétés, enregistrait systématiquement les dates des récoltes. Les délibérations des conseils municipaux permettent de reconstruire de très longues séries avec peu de ruptures chronologiques. La fiscalité appliquée par l’État est un autre bon indicateur.

À quels événements climatiques extrêmes notre région a-t-elle été soumise?

Le dénommé «Petit âge glaciaire», s’étalant de la fin du 13e à la fin du 19e siècle, a été particulièrement significatif. Il correspond à une période plutôt fraîche et humide, avec des épisodes de grand froid. Les glaciers ont alors atteint leur croissance maximale dans les montagnes européennes, notamment le Jura, renversant parfois maisons et églises. Mais cette époque comprend également de nombreux étés chauds et humides, fort défavorables au blé, ainsi que des vagues de chaleur et de sécheresse. Ainsi, en Franche-Comté, entre 1600 et 1650, on compte une dizaine de sécheresses durant jusqu’à 200 jours. Sur un pas de temps de 150 ans, les événements extrêmes paraissent aujourd’hui en augmentation, mais en observant une période plus longue, ils ne semblent pas un bon indicateur du changement climatique actuel.

Quelles conséquences ces événements avaient-ils par le passé?

Les mauvaises récoltes dues aux conditions météorologiques pouvaient causer des disettes, voire des famines. Elles fragilisaient les populations face aux épidémies. Les sécheresses impactaient le commerce, car tous les biens lourds ou volumineux transitaient par voie fluviale. Sécheresse ou gel étaient aussi problématiques pour le maintien de la protection assurée par les guets. Les inondations causaient notamment des dommages sur les ouvrages de défense. La communauté se mobilisait de manière rapide et généralisée face à ces catastrophes.

Le mot de l’expert

Emmanuel GARNIER, Historien du climat

Aujourd’hui, sommes-nous mieux préparés aux risques climatiques?

L’histoire révèle que nos sociétés d’autrefois étaient bien plus conscientes du risque. L’exode rural d’après-guerre s’est accompagné d’une perte de mémoire concernant les événements extrêmes du passé. L’urbanisation actuelle des espaces ruraux ne restaure en rien cette perte. De plus, nous souffrons d’un syndrome de «l’État providence», nous ne nous approprions plus collectivement la problématique. Les bocages et zones humides qui absorbaient les effets des sécheresses et des inondations disparaissent et nous sur-construisons: cela nous rend plus vulnérables. Il nous faut développer une culture du risque, notamment dans les écoles. La création d’outils, tels que des sites Internet régionaux recensant l’historique des inondations, donnerait à chacun accès à cet indispensable savoir.

Pour en savoir plus…

Prolongez votre lecture avec un passionnant article paru dans le n° 29 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature. Vous y découvrirez des détails sur les documents locaux exploités par l’historien pour retracer les événements climatiques, ainsi qu’un regard sur le climat de Bourgogne-Franche-Comté des siècles derniers et sur les réponses des populations.

Mini-glossaire

Phénologie: étude de l’apparition et des variations des phénomènes intervenant au fil des saisons dans le monde vivant: feuillaison, floraison, fructification…

Rechercher

Partagez :

Consulter d’autres articles : 

Aux aguets pour les zones humides

Après avoir subi une régression rapide et alarmante au 20e siècle, les zones humides bénéficient d’un regain d’attention. Qu’entend-on par « zones humides » et pourquoi veiller sur

Nos dernières publications :