La multiplication des assecs subis par les rivières pousse à s’intéresser à ce qui les accompagne : la nappe.
Comment la hausse des températures impacte-t-elle le débit des cours d’eau ?
Lorsqu’il pleut, une partie de l’eau rejoint la nappe d’accompagnement des rivières. Ces ressources souterraines assurent 100 % de l’écoulement d’une rivière en période de sécheresse. Dans le contexte de changement climatique, on observe que la quantité d’eau tombée n’a globalement pas diminué depuis 40 ans. En Bourgogne-Franche-Comté, elle a même augmenté d’au moins 10 %. Cependant, la hausse des températures engendre une hausse de l’évapotranspiration : une part importante de l’eau s’évapore du sol et des plantes sans alimenter le système. En hiver, le sol restant chaud, la neige fond vite, ce qui remet son eau quasi immédiatement dans le circuit au lieu d’en différer l’apport. Actuellement, des régions comme les Alpes-Maritimes ou le Roussillon, où les précipitations sont moindres, font face à des situations catastrophiques, avec des phénomènes de désertification. Ce n’est pas encore le cas chez nous, mais si nous n’infléchissons pas la tendance, nous y serons un jour.
Pourquoi les pluies sont-elles moins efficaces ?
Celles favorables à la recharge des aquifères ont diminué. Notre climat régional tend désormais vers des conditions plus méditerranéennes avec des épisodes pluvieux espacés et beaucoup plus intenses, et des étés dépourvus de précipitations. Autrefois, le Jura pouvait être confronté à 1 ou 2 semaines sans pluies. Aujourd’hui, cela peut s’étendre à 1 ou 2 mois. Tous ces éléments provoquent non plus seulement des réductions de débit des cours d’eau, auxquelles la faune et la flore étaient adaptées, mais de véritables assecs. Ces dernières années, le Doubs a régulièrement été à sec sur des kilomètres en aval de Pontarlier. S’il arrivait occasionnellement que le Saut du Doubs n’ait plus d’eau, l’anomalie réside dans le fait que cela se répète.
Les méga-bassines sont-elles une solution pour continuer à disposer d’eau ?
Non, notamment parce qu’elles sont directement soumises à l’évaporation. L’Association internationale des hydrogéologues préconise des bassins d’infiltration dans le but d’alimenter les nappes souterraines, soit un stockage naturel abrité de l’atmosphère. Le génie hydraulique nécessaire sera cependant complexe. La conséquence est que cette eau ne serait pas réservée à l’usage agricole, mais pourrait profiter à tous, mais ce n’est pas dans l’intérêt de certains.
Jacques MUDRY, Hydrogéologue honoraire de l’Université de Franche-Comté
En redonnant aux rivières un parcours plus long, on augmente le temps de contact entre le cours d’eau et la nappe d’accompagnement, ce qui favorise la recharge naturelle. Cette recharge a été réduite par la rectification du tracé des cours d’eau par l’humain. Le massif jurassien a réalisé des opérations positives en ce sens, comme le reméandrement du Drugeon, ou comme la restauration des tourbières du Haut-Doubs, des milieux stockant naturellement l’eau dans leur sol. Tout ce qui est ainsi entrepris en amont profite à l’ensemble du bassin. Dans cette recherche de ralentissement de l’eau, la question de l’arasement des barrages, prônée pour un rétablissement de la continuité écologique des rivières, doit être examinée avec soin. Écologues et hydrogéologues doivent travailler de concert pour évaluer les effets positifs et négatifs de ces ouvrages, afin de faire converger les objectifs.