Cousine de la Fouine mais habitante des forêts et avec un pelage plus sombre et une bavette dans les tons jaunâtres, la Martre des pins est bien connue des ornithologues de La Choue*.
Comment l’étude de la Chouette hulotte vous a-t-elle conduit à vous intéresser à la Martre des pins ?
Le suivi de 300 nichoirs à Chouette hulotte installés sur 11 forêts de Bourgogne depuis plus de 40 ans donne lieu à des contacts réguliers avec la Martre. Le mustélidé se sert des nichoirs de diverses façons. On trouve souvent des crottes sur les couvercles, plus rarement à l’intérieur. La plupart du temps une ou deux, mais cela peut s’élever à plus d’1 kg. Il s’agit d’un marquage territorial qui n’a rien d’étonnant, puisque la Martre est forestière et grimpe beaucoup. Les nichoirs constituent des supports en hauteur, visibles et idéalement placés pour diffuser les odeurs. La Martre met aussi des proies dans les nichoirs, qu’elle revient parfois consommer. Dans d’autres cas, notamment quand les proies sont conséquentes comme des buses, elle les laisse. Ce pourrait être un marquage territorial, car il est peu probable qu’elle dépense tant d’énergie à monter de lourdes proies sans raison. Les nichoirs peuvent en outre servir d’abri temporaire et de site pour l’élevage des jeunes. 15 % de nos nichoirs sont en moyenne fréquentés par les martres chaque année.
La Martre s’attaque-t-elle aux chouettes dans les nichoirs ?
Il arrive qu’elle gobe des œufs, mange des jeunes, voire tue des adultes sans s’en nourrir. Nous avons donc mis en place un système de prévention, d’abord sur les nichoirs prédatés, puis de manière quasi généralisée. Un seau placé à l’entrée du nichoir fait patiner la martre. Certains individus rongent tout de même le bois pour pénétrer dans le nichoir, mais cela reste exceptionnel. L’analyse des crottes de martres, ainsi que les proies trouvées dans les nichoirs, que l’on différencie des proies de la Chouette hulotte parce qu’elles sont enfouies sous les copeaux de bois et non simplement posées, nous renseigne sur le régime alimentaire. La Martre est généraliste et opportuniste, se reportant sur ce qu’il y a de plus abondant selon les saisons : mammifères (particulièrement des petits rongeurs, à 75 % des mulots et campagnols roussâtres), oiseaux (majoritairement Merle noir et Grive musicienne), insectes (pour moitié le Carabe des bois), fruits et baies (sorbes, alises, cynorhodons, pommes sauvages, cornouilles, prunelles, raisins), énormément de vers de terre, charognes (dont restes de sanglier en période de chasse).
Quelle est l’implantation de la Martre ?
Elle est présente sur l’ensemble de la région et d’après nos données, ses effectifs paraissent stables dans les forêts suivies. Pour rééquilibrer notre « interventionnisme » en faveur de la Chouette hulotte, nous installons depuis 2 ans quelques tanières à martres, des sortes de caisses en bois, pour lui offrir des cavités en substitut des nichoirs. Des premières reproductions ont été recensées.
Hugues BAUDVIN,
Naturaliste à La Choue*
Le mot de l’expert
D’une quarantaine de centimètres pour environ 1,5 kg, la Martre est un mammifère très intelligent et une sacrée acrobate. Lors de nos relevés de nichoirs, nous l’avons rencontrée à plus d’une centaine de reprises. Une fois sur deux elle est seule, sinon elle est accompagnée de jeunes, généralement au nombre de 2 ou 3. Elle déménage systématiquement après notre passage. Elle a des points communs avec la Chouette hulotte, car elle vit dans les mêmes milieux, a des mœurs nocturnes et certaines de ses proies sont similaires. Il est regrettable qu’elle soit encore considérée comme une « Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts » (ESOD, ex-nuisible) dans certains départements. Les prélèvements sur nos animaux d’élevage sont mineurs au regard de son régime.
Mini-glossaire
La Choue : association pour l’étude et la protection des rapaces nocturnes en Bourgogne-Franche-Comté.
Pour en savoir plus
Sur la page www.lachoue.fr/publications, apprenez-en davantage sur la fréquentation des nichoirs à Chouette hulotte par la Martre des pins avec le bilan 2022 des actions et un article de la revue Alauda. Un article consacré aux données sur la Martre récoltées dans le cadre des activités de La Choue sera à retrouver dans un prochain numéro de la revue BFC NATURE.