Publié le 31 janvier 2022
Coquilles de moules, carapaces de crabes et tests d’oursins sont tous le résultat d’un phénomène encore bien mystérieux : la biominéralisation.
Qu’est-ce que la biominéralisation ?
C’est la fabrication de minéraux par des êtres vivants. Dans le règne animal, le carbonate de calcium (calcaire) est le minéral dominant. Les structures minérales résultant de la biominéralisation prennent notamment la forme de squelettes, qui peuvent être extrêmement variés. Certains squelettes sont externes (on parle d’exosquelettes) comme chez les mollusques, les crustacés, les coraux… Ces exosquelettes sont différents de ceux des insectes, faits en chitine, une matière entièrement organique. D’autres squelettes donnent l’impression d’être externes, mais sont en fait recouverts de tissus vivants, comme chez les oursins ou les étoiles de mer. Beaucoup de crustacés produisent aussi des structures de stockage de calcium, semblables à de petites billes, qui leurs servent de réserves lors des mues. Le phénomène de biominéralisation se retrouve en milieux aquatiques et terrestres chez un grand nombre de groupes, depuis les bactéries jusqu’aux vertébrés, nos dents et nos os étant eux-mêmes le produit d’une biominéralisation en phosphate de calcium. Des végétaux comme les prêles et les algues rouges contiennent aussi des parties biominérales.
Quel rôle jouent les protéines dans la biominéralisation ?
Les structures calcifiées ne sont pas formées à 100 % de calcaire.
Environ 1 % est constitué de composés organiques, en particulier de protéines qui contrôlent la mise en place des cristaux. Nous cherchons à identifier ces protéines (sans doute des centaines impliquées dans la fabrication d’une coquille). Nous tentons aussi de comprendre comment elles ont été sélectionnées par l’Évolution et comment elles ont évolué au cours des millénaires. Ces études ont débuté il y a une trentaine d’années seulement et on ne compte qu’une vingtaine de scientifiques au monde spécialisés dans l’étude de ces protéines associées au calcaire biogénique. À ce jour, ont été répertoriées les protéines d’une quarantaine d’espèces de mollusques… sur les 100 000 espèces vivantes connues. Il s’agit donc de cibler quels groupes occupent une position stratégique dans l’évolution pour prioriser les recherches.
Quelles applications permet l’avancée des savoirs sur les protéines coquillières ?
En étudiant les protéines des coquilles actuelles, on peut dresser une sorte de carte d’identité protéique qui peut servir aux travaux des archéologues. Ainsi à l’âge du Bronze, des populations confectionnaient de minuscules perles à partir de coquilles et les enchâssaient en guise de parures sur leurs vêtements. S’il est visuellement impossible de connaître la provenance de ces fragments de coquilles, l’analyse de leur contenu protéique permet de retrouver leur origine biologique.
Le mot de l’expert
Frédéric MARIN, Paléontologue spécialiste des biominéralisations calcaires (coquilles et exosquelettes), Directeur de recherche CNRS au laboratoire Biogéosciences, Université de Bourgogne-Franche-Comté
À quand remontent les premières biominéralisations ?
Chez les animaux (métazoaires*), elles ont commencé au Cambrien*. Auparavant, il existait déjà des organismes de taille centimétrique, mais les paléontologues ne retrouvent pas trace de coquilles. On ignore encore ce qui a conduit à cette évolution, rapide à l’échelle des temps géologiques. Des causes environnementales, comme le changement de la chimie de l’eau de mer, peuvent être à l’origine de l’apparition des squelettes, mais ce ne sont pas les seules explications possibles. L’identification des protéines construisant les squelettes permet de mieux comprendre comment les systèmes minéralisants sont apparus et ont évolué. Nous cherchons à retracer l’histoire des fonctions moléculaires associées à la minéralisation, qui ont émergé au fil du temps.
Pour en savoir plus
Dans le tome 185 n° 4 du Bulletin de la Société Géologique de France, faites la lecture d’un article complet sur la biominéralisation, son évolution au cours des temps géologiques et les défis scientifiques qu’elle soulève (article en anglais).
Mini glossaire
Cambrien : période géologique, il y a environ 500 millions d’années.
Métazoaires : animaux pluricellulaires.