Si les longicornes ne passent pas inaperçus avec leurs remarquables antennes, on ignore encore trop de choses sur leur répartition et leur état de conservation.
Qu’est-ce qu’un longicorne ?
C’est un coléoptère de la famille des cérambycidés. Un coléoptère est un insecte dont l’une des deux paires d’ailes est coriace. On parle d’« élytres ». Parmi les coléoptères, les cérambycidés possèdent presque tous de très longues antennes, comme l’évoque leur autre nom de « longicornes ». Durant le stade larvaire qui dure plusieurs années, ils sont majoritairement saproxyliques*. Quelques espèces sont inféodées à des plantes herbacées comme à la Vipérine ou à des graminées. Le Capricorne des maisons est redouté car il s’attaque au bois œuvré. Il n’est cependant plus si commun. Les espèces causant des dégâts pour l’Homme restent extrêmement minoritaires. Adultes, les longicornes s’intéressent plutôt aux fleurs, mais ne s’alimentent quasiment plus.
Combien existe-t-il d’espèces en Bourgogne-Franche-Comté ?
117 espèces ont à ce jour été observées, dont deux protégées : le Grand Capricorne, noir et de belle taille, lié aux chênes centenaires de grande hauteur, et la Rosalie des Alpes, d’un superbe bleu, dont de nouvelles populations ont été récemment découvertes dans le Morvan. La répartition fine de toutes ces espèces est encore largement méconnue. Une vaste collecte de données est aujourd’hui menée afin d’établir un premier atlas des longicornes de Bourgogne-Franche-Comté à l’horizon 2027. La plupart des espèces peuvent s’identifier à vue. Tout le monde peut participer au recueil de données, même les non-connaisseurs, en transmettant une photo avec le lieu et la date d’observation via la SHNA-OFAB pour la Bourgogne et via l’OPIE-FC* ou le CBNFC-ORI* pour la Franche-Comté.
Les longicornes se portent-ils bien ?
Si à l’échelle nationale, les données sont suffisantes pour estimer la situation, tel n’est pas encore le cas régionalement. À terme, une liste rouge régionale des espèces menacées pourra être dressée selon la méthodologie de l’UICN*. Près d’un quart des espèces connues en Bourgogne-Franche-Comté n’ont pas été revues récemment, ce qui ne signifie pas forcément qu’elles ont disparu. Les efforts actuels de prospection permettront de répondre à ces questions. La présence de certains longicornes renseigne aussi sur l’état des milieux naturels, car leurs exigences en font de bons bioindicateurs. Préservation des espaces et préservation des espèces se rejoignent. Les espèces exotiques venues d’Afrique ou d’Asie, pour l’instant rares, sont également à surveiller pour évaluer leur caractère invasif.
Mathurin CARNET, Entomologiste à SHNA-OFAB
La Rhagie ermite (Rhamnusium bicolor), dont les élytres tantôt rouges, tantôt bleus selon les individus, lui ont certainement valu son nom de « bicolor », n’est pour lors connue que sur une station de la Nièvre. Trouvée dans la cavité d’un arbre à l’occasion d’une prospection de chauves-souris, elle n’a pas été détectée dans les arbres voisins, sans doute pour des raisons d’ensoleillement ou d’humidité différents. Cela illustre à quel point la sauvegarde d’une espèce dépend parfois du maintien d’habitats précis très localisés. Il est important d’inspecter les arbres à enjeux avant tout projet d’abattage. La disparition des vieux arbres et l’arrachage des haies sont les principales causes de déclin des longicornes, ce qui demande d’adapter nos pratiques d’entretien des paysages. Certaines espèces sont aussi menacées par le réchauffement climatique qui fragilise certains arbres.
Mini-glossaire
CBNFC-ORI : Conservatoire botanique national de Franche-Comté-Observatoire régional des Invertébrés.
OPIE-FC : Office pour les insectes et leur environnement de Franche-Comté.
Saproxylique : qui se nourrit de bois mort.
SHNA-OFAB : Société d’histoire naturelle d’Autun-Observatoire de la faune de Bourgogne.
UICN : Union internationale pour la conservation de la nature.