Questions de Nature
L’escargot petit-gris, expert en qualité environnementale
Parmi les espèces utilisées comme bioindicateurs, le Petit gris est un allié de choix pour les chercheurs.
Qu’est-ce qu’un bioindicateur ?
C’est une espèce animale, végétale, ou un microorganisme capable de refléter la qualité ou l’état du milieu dans lequel elle évolue. Dans l’absolu, tout organisme vivant peut être considéré comme bioindicateur, mais certains ont été ciblés par les scientifiques comme étant particulièrement pertinents. D’abord, un bon bioindicateur participe activement au fonctionnement d’un écosystème, par exemple parce qu’il intervient dans le recyclage de la matière ou les transferts trophiques*. Ensuite, il est généralement sédentaire, pour que la source d’une éventuelle contamination soit connue avec certitude. De plus, il est largement distribué à l’échelle planétaire, ce qui rend les données exploitables par l’ensemble de la communauté scientifique. Il est facile à identifier et à échantillonner, ce qui implique qu’il ne soit pas trop petit. Il doit aussi être capable de concentrer dans ses tissus les contaminants auxquels il est exposé (on parle de « bioaccumulation ») et y être suffisamment résistant pour ne pas disparaître à leur contact.
Enfin, notre savoir sur l’écologie et la physiologie de l’espèce doit être conséquent pour interpréter les résultats.
Pourquoi l’escargot Petit gris est-il spécialement adapté ?
Il regroupe toutes ces caractéristiques et compte parmi les invertébrés longévives, c’est-à-dire avec une bonne espérance de vie (plusieurs années). Il conserve ainsi des traces d’exposition sur un temps plus important. Il occupe une position intéressante dans les écosystèmes terrestres, car il est situé entre le sol, les plantes et l’atmosphère. Il peut ainsi être contaminé par voie cutanée au contact du sol, par voie digestive en se nourrissant de végétaux mais aussi d’humus*, et par voie respiratoire, puisqu’il possède un poumon. Ainsi, même une source de contamination faible pourra être décelée grâce à lui.
Comment est-il utilisé ?
En laboratoire, il est souvent employé pour évaluer la toxicité de nouvelles substances, étape imposée aux industriels par la règlementation REACH* pour obtenir une autorisation de commercialisation. Selon un protocole standardisé, plusieurs dizaines d’escargots, juvéniles au début de l’expérience, sont exposés à la substance durant 28 jours. Un groupe contrôle non soumis à la substance permet une comparaison. Des mesures morphologiques sont réalisées pour suivre leur croissance. En complément, des analyses peuvent détecter les substances présentes dans leurs tissus. Le Petit gris sert aussi sur le terrain, soit en tant que bioindicateur passif (prélèvement d’escargots autochtones), soit actif (escargots naïfs issus du laboratoire amenés dans des cages). La deuxième approche offre l’avantage d’obtenir des résultats contextualisés, l’histoire biologique des individus étant connue, et en conditions environnementalement réalistes.
Le mot de l’expert
Frédéric GIMBERT, Enseignant-Chercheur écotoxicologue à l’Université de Franche-Comté, Unité Mixte de Recherche Chrono-Environnement
Quelles recherches votre laboratoire mène-t-il avec le Petit gris ?
Nous avons récemment mis en évidence que le glyphosate, présent dans de nombreux herbicides, affectait la fertilité des escargots et pouvait donc être considéré comme un perturbateur endocrinien. Actuellement, une étude cofinancée par la Région Bourgogne-Franche-Comté et l’ADEME* vise à quantifier la présence et les impacts de microparticules de plastique dans l’environnement terrestre. En plus d’expérimentations d’écotoxicité réalisées en laboratoire, des escargots seront placés sur des parcelles expérimentales où sont pratiqués des épandages de produits résiduaires organiques (boues issues des stations d’épuration ou composts, régulièrement utilisés comme fertilisants en agriculture) pour évaluer les transferts potentiels des microplastiques qu’ils peuvent contenir.
Pour en savoir plus
Sur le site Internet de l’ADEME*, téléchargez un ensemble de fiches-outils présentant en détail des bioindicateurs : intérêts, méthodes… Parmi eux, vous retrouverez en première ligne les escargots ! www.ademe.fr
Mini glossaire
ADEME : Agence de la transition écologique.
Humus : matière végétale en décomposition.
REACH : Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals (Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques), règlement européen encadrant l’utilisation des produits chimiques depuis 2007.
Transfert trophique : transfert d’énergie entre les différents maillons d’une chaîne alimentaire, qui va des producteurs primaires (les végétaux) aux superprédateurs.