Flore bourguignonne, un état des lieux inquiétant

 Publié le 23 mars 2022

Daniel ALEXANDRE

La flore de la région fait aussi partie des victimes de l’extinction de masse actuellement en cours sur la planète.

Comment les espèces menacées de la flore sont-elles identifiées sur la région ?

À travers l’élaboration d’une Liste rouge selon la méthode de l’UICN*, largement utilisée en Europe et pouvant couvrir diverses échelles (régionale, nationale, mondiale). À partir de bases de données récentes et anciennes, il s’agit d’apprécier le risque de disparition à court terme en se fondant sur la surface occupée par une espèce et le nombre estimé d’individus. Une grille permet de déterminer un niveau de menace, les trois les plus importants étant « en danger critique d’extinction », « en danger d’extinction », ou « vulnérable ». Une espèce peut également être répertoriée comme « éteinte », comme c’est le cas pour la Violette de Cry, endémique* de l’Yonne, qui a disparu au début du 20e siècle. Une fois cette liste établie, reste à évaluer des priorités de conservation. La Bourgogne a par exemple une forte responsabilité pour la préservation de la Laîche à épis noirs, classée vulnérable, car elle abrite les populations les plus importantes de France.

Comment se porte la flore bourguignonne ?

Sur 2 000 espèces environ, plus de 500 sont menacées, soit 25 %. La modification des habitats due aux activités humaines constitue le premier facteur de disparition. 

La flore des pelouses calcaires arrive notamment en tête par le nombre d’espèces menacées, car ce sont des milieux rares, en forte régression, du fait de l’arrêt du pastoralisme qui entraîne un embroussaillement et un reboisement naturel. Dans ces pelouses de Bourgogne, il ne subsiste ainsi plus qu’une seule station d’Anémone sauvage et deux de Fraxinelle. Les milieux agricoles sont aussi particulièrement atteints à cause de pratiques trop intensives. Milieu supposé mieux préservé, la forêt est concernée avec la transformation des peuplements, le raccourcissement des cycles d’exploitation et l’impact de l’agriculture en lisière. La Luzule blanche et le Sceau de Salomon verticillé ont par exemple énormément régressé. Les zones humides sont également très touchées.

Ces tendances sont-elles facilement observables ?

Certaines régressions sont remarquables car rapides. La Nigelle des champs, en danger critique en France, ne se trouve plus qu’en deux stations en Bourgogne et Franche-Comté alors qu’une dizaine de stations existaient il y a seulement quelques années. D’autres sont plus discrètes. Les prairies ont tendance à se banaliser et s’appauvrir : dans le Charolais, l’Auxois et le Bazois, beaucoup de prairies maigres comptaient autrefois une 40aine d’espèces sur 10 m2 contre 5 aujourd’hui. Les engrais ont simplifié le tapis végétal sans que cela ne soit perceptible à première vue. Enfin, d’autres facteurs à l’incidence plus progressive comme le dérèglement climatique sont probablement aussi en cause, bien qu’il soit difficile de le démontrer. Le ciblage d’actions de conservation s’avère d’autant plus compliqué.

 


 

 

Le mot de l’expert

Olivier BARDET, Botaniste Directeur-adjoint du Conservatoire botanique national du Bassin parisien pour la Bourgogne

Comment enrayer ce déclin ?

La méthode la plus courante est d’appliquer une gestion adaptée à la conservation des habitats des espèces, comme le font les Conservatoires d’espaces naturels, les Réserves naturelles, les Parcs naturels et les Départements sur les Espaces naturels sensibles. Le cortège d’espèces associé va alors en bénéficier. Lorsque toutes les solutions sont épuisées, des populations sont parfois recréées grâce à des graines prélevées ailleurs, mais le procédé est lourd et coûteux. Le Conservatoire botanique possède une banque de graines à cet effet. La Saxifrage œil-de-bouc fait actuellement l’objet d’une telle opération dans le Jura. Force est de constater que de plus en plus d’espèces auraient besoin d’un tel sauvetage. L’alerte sur le mauvais état de la biodiversité est lancée par l’ensemble des scientifiques. Il faut agir au plus vite à tous les niveaux pour éviter d’autres pertes irréversibles.

 

 


 

 

Pour en savoir plus

Un article paru dans le n° 31 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature vous aidera à comprendre l’ampleur des disparitions de la flore sur la région.

Mini glossaire

Endémique : qui vit en un seul endroit du globe.
UICN : Union internationale pour la conservation de la nature.

 

 

 

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