Si l’on a pu croire le naturaliste menacé de disparition, l’utilité de sa discipline à l’heure de la 6e extinction de masse des espèces encourage à le réhabiliter.
Qu’est-ce qu’un naturaliste ?
Un naturaliste fonde sa pratique sur l’observation et la détermination des plantes ou animaux dont il est spécialiste. Il est à distinguer de l’écologiste car, s’il peut militer aussi pour la défense de l’environnement, sa démarche scientifique est avant tout tournée vers l’inventaire de ce qu’il découvre sur le terrain. Au cours du XXe siècle, la discipline regroupant ce que l’on nommait les « sciences naturelles », devenue « sciences de la vie », s’est scindée en produisant une dissociation entre biologistes et naturalistes. Le biologiste étudie ce qui est invisible, les fonctions et processus du vivant, plutôt que les êtres. C’est ce type de savoir scientifique qui est valorisé de nos jours, notamment dans l’enseignement. Ces dernières décennies, les naturalistes ont pu souffrir d’une image démodée et n’ont bien souvent eu d’autre choix, pour acquérir leurs savoirs, que de se former de manière autodidacte.
Y a-t-il encore beaucoup de naturalistes ?
Même si la société les a quelque peu oubliés, marginalisés, les naturalistes existent. Il subsiste un réseau ancien d’associations implantées sur tout le territoire. Ces « associations savantes » n’ont pas disparu. Elles sont dédiées à la botanique, à l’ornithologie, à la mammalogie*… Certaines, comme la Société d’histoire naturelle d’Autun, regroupent à la fois des bénévoles amateurs et des professionnels salariés. On retrouve aussi des naturalistes professionnels dans les structures dédiées à la gestion des espaces naturels et des aires protégées, comme dans les réserves naturelles ou les parcs nationaux. Les modalités de collecte des données se sont transformées puisque les naturalistes ont désormais recours aux outils numériques. Ces outils ont favorisé le développement des sciences participatives, qui concourent à revaloriser les savoirs naturalistes.
Pourquoi le naturaliste a-t-il toute sa place aujourd’hui ?
Dans le contexte de crise du vivant que nous connaissons, le savoir du naturaliste le rend indispensable à la connaissance de la biodiversité et à sa préservation. Il est capable d’alerter sur les dangers qui menacent la biodiversité et de participer à la mise en œuvre des politiques de conservation. Ce rôle et cette utilité doivent être davantage reconnus dans les institutions. Il est important que notre société intègre les naturalistes à des processus décisionnels. Par exemple, dans le cadre de projets d’aménagement ou d’élaboration de documents d’urbanisme, lors des enquêtes publiques, des commissaires enquêteurs sont désignés pour répondre aux questions du public et émettre un avis. Si l’administration acceptait des profils ayant des compétences naturalistes, nul doute que la biodiversité serait davantage prise en considération.
Patrick JANIN, administrateur de l’Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire
Le mot de l’expert
La figure stéréotypée du naturaliste vieillissant, coupé du monde, s’exprimant en latin, est ancienne. On la retrouve dans la littérature dès le XIXe siècle. Mais actuellement, les représentations se transforment. Des jeunes rejoignent les associations naturalistes et désirent même faire carrière dans le domaine. Dans son livre Quelques considérations sur l’enseignement des sciences naturelles, dans les écoles, au début du XXIe siècle, Frédéric Metz propose de compléter l’enseignement des sciences naturelles à l’école. Des naturalistes pourraient régulièrement venir y donner des cours sur telle ou telle espèce précise. La transmission des connaissances naturalistes qui a été écartée du système scolaire serait ainsi réintroduite.
Pour en savoir plus
Les réflexions de Patrick JANIN sur le rôle du naturaliste aujourd’hui sont à retrouver dans le n° 33 de la revue BFC NATURE.
Mini glossaire
Mammalogie : étude des mammifères.