L’indétrônable chouette de Notre-Dame de Dijon, un hibou aux air de duc

 

Malgré la tradition, la bien-aimée « petite chouette » sculptée sur le contrefort de la cathédrale Notre-Dame de Dijon aurait dû être nommé « hibou ».

Pourquoi peut-on affirmer que la chouette de Notre-Dame de Dijon n’est pas une chouette ?

Les chouettes ont une tête en forme de boule : rien ne dépasse, sauf le bec. Les hiboux, quant à eux, portent deux plumets. Les langues allemande et anglaise ont ainsi respectivement créé les termes « Ohreule » et « Eared owl » pour désigner des hiboux, littéralement « Chouette à oreilles ». Sur la petite sculpture de Dijon, l’une des aigrettes du volatile a bien été conservée grâce au fait qu’elle se trouve protégée dans un renfoncement. Cette aigrette ressemble d’ailleurs plutôt à une oreille ! Il n’y a aucun doute possible : il s’agit bien d’un hibou, non d’une chouette. On pourrait faire l’hypothèse qu’il s’agit plus précisément d’un Hibou Grand, Moyen, ou Petit-Duc, sans qu’il soit possible de trancher sur l’espèce. On peut y voir une référence aux Ducs de Bourgogne, l’édifice étant établi à quelques pas du Palais ducal.

Le Duc Philippe le Bon s’est d’ailleurs emparé d’un « oiseau duc » comme emblème ?

J’ai effectivement découvert deux merveilleuses gravures qui associent un oiseau duc au Duc Philippe le Bon. 

 

Dans le cadre de mes travaux sur l’ivoire, j’effectuais des recherches à la bibliothèque de la Sorbonne dans un ouvrage illustrant l’épée de Philippe le Bon faite d’ivoire de narval. C’est alors que quelques pages plus loin, je suis tombé sur une gravure présentant les deux lettres « A » et « N », pour « Autre N’array » (« Je n’en n’aurai pas d’autre »), la devise du Duc de Bourgogne, près desquelles était perché un hibou aux aigrettes bien visibles.

Où avez-vous trouvé la seconde gravure ?

Parmi les manuscrits conservés à la Bibliothèque municipales de Dijon, l’Armorial de la Toison d’Or renferme une gravure où figure un noble hibou couronné d’un diadème. L’oiseau porte des grelots aux pattes, un équipement qui était destiné à localiser les oiseaux dressés pour s’assurer de leur retour. On remarque aussi une peau de mouton pendant sous le hibou, en référence à la légende de Jason et des Argonautes en quête de la Toison d’Or. Ce mythe, qui renvoie à un orient mirifique où roulent des paillettes d’or dans la rivière Pactole, a inspiré l’ordre de chevalerie de la Toison d’or, fondé par Philippe le Bon lui-même.


 

 

 Le mot de l’expert

François POPLIN, Directeur honoraire de l’Unité Mixte de Recherche Archéozoologie-Archéobotanique, Sociétés, pratiques et environnements (CNRS/Muséum national d’histoire naturelle)

Faut-il parler de « petit hibou » de la cathédrale et non plus de « petite chouette » ?

Malgré la vérité zoologique, il ne saurait être question de rebaptiser la « rue de la chouette » « rue du hibou » tant l’usage est ancré. Cela n’est pas sans rappeler le titre du tableau de Léonard de Vinci, La Dame à l’hermine, dans lequel le mustélidé peint a improprement acquis le nom d’hermine alors que sa taille et son pelage correspondent clairement à ceux d’un furet. Une rapide recherche d’images sur Internet pourra permettre à tout un chacun de constater la différence avec une véritable hermine. Dans notre imaginaire, l’hermine a un caractère plus noble qui s’exprime dans les armoiries des Ducs de Bretagne. Nos appellations bénéficient aux animaux plus populaires.


Pour en savoir plus

Découvrez une reproduction des deux gravures évoquées dans cet article dans le n° 33 de la revue BFC NATURE, où le lynx de la première de couverture donne un bon exemple d’oreilles de chat qui se retrouvent dans « chat-huant », surnom de rapace nocturne !

 

 

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