Bien qu’ils n’occupent qu’une modeste superficie de la Terre, les lacs émettent et stockent beaucoup de carbone. Leur devenir pourrait donc être stratégique dans le changement climatique.
Pourquoi les lacs ont-ils une place importante dans le cycle du carbone ?
Au niveau planétaire, les lacs naturels représentent seulement 1 % de la surface des continents. Si l’on compte tous les plans d’eau y compris ceux d’origine artificielle, ce pourcentage ne s’élève qu’à 3,7 %. Pourtant, la quantité de carbone stockée au fond des systèmes lacustres équivaut à celle stockée par les océans, qui couvrent quant à eux 70 % de la surface du globe. Les lacs jouent donc un rôle comparativement disproportionné dans le cycle du carbone. Ce rôle est de divers ordres. Les lacs transportent du carbone, à la fois sous forme organique (le carbone étant alors produit par les organismes vivants) et inorganique. Ils le stockent à plus ou moins long terme. Ils le transforment. Et ils peuvent le recevoir ou inversement l’émettre dans l’atmosphère sous forme de gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4).
En quoi la nouvelle donne impacte-t-elle les lacs ?
Depuis le 20e siècle, les pressions exercées par les humains sur les lacs se sont accrues : destruction des habitats, introduction d’espèces, pollution, mais aussi apport de nutriments provenant majoritairement des activités agricoles. Ce dernier point entraîne une eutrophisation accélérée des lacs. L’eutrophisation correspond à une accumulation de matières organiques. Certes, le phénomène est habituel, mais il va désormais anormalement vite, ce qui perturbe l’équilibre de la chaîne alimentaire. Présent en trop grande quantité, le phytoplancton* n’est plus suffisamment consommé par les organismes aquatiques et s’accumule au fond des lacs. Avec le réchauffement climatique, cette tendance s’accentue.
De quelles théories opposées cette situation fait-elle l’objet ?
Certains chercheurs considèrent que du point de vue des gaz à effet de serre, la hausse de la production de phytoplancton* est positive, puisqu’elle augmenterait la capacité des lacs à fixer le carbone atmosphérique. D’autres estiment que ce bilan ne peut être fiable et qu’il doit reposer sur davantage d’éléments. Dans certaines conditions, les lacs pourraient rejeter plus de méthane dans l’atmosphère. Or le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 25 fois plus puissant que celui du CO2 à l’échelle du siècle. La recherche doit se poursuivre pour parvenir à une conclusion quant à la balance entre carbone fixé et carbone émis. L’équipe de notre laboratoire Chrono-Environnement contribue à son niveau à faire progresser les connaissances à ce sujet. Nous nous sommes penchés sur des lacs du massif jurassien et aimerions dorénavant appréhender l’échelle nationale pour obtenir des données plus représentatives
Le mot de l’experte
Hélène MASCLAUX, Maître de conférences à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, Unité de recherche Chrono-Environnement
Notre laboratoire a l’originalité de coupler observation actuelle et analyse du fonctionnement antérieur. La comparaison entre présent et passé permet d’isoler les facteurs humains et le réchauffement climatique pour comprendre leurs influences sur les systèmes lacustres. Nous nous inscrivons dans une démarche de coopération avec d’autres laboratoires possédant d’autres spécialités pour mettre en commun nos compétences et programmes de recherche. À Lyon, une équipe est par exemple spécialisée dans les émissions de carbone des lacs. À Chambéry, ce sont les archées méthanogènes qui sont à l’étude, des microorganismes vivant au fond des lacs ayant la particularité d’émettre du méthane, pesant donc dans le bilan des émissions de gaz à effet de serre des lacs.
Pour en savoir plus
Le présent article prolonge une conférence qui s’est tenue en 2022 dans le cadre de la semaine « Écologie environnement biodiversité » proposée nationalement par le CNRS. Rendez-vous sur la page https://chrono-environnement.univ-fcomte.fr/recherche/themes-actions-et-projets/theme-dynabio pour une présentation de l’action dans laquelle s’inscrit la recherche liée au cycle du carbone au laboratoire Chrono-Environnement.
Mini-glossaire
Phytoplancton : algues microscopiques aquatiques.