Semi-aquatique, la Loutre ne choisit pas toujours la voie de l’eau lorsqu’il s’agit de franchir les ponts. Une expérience souvent fatale pour cette espèce fragile.
Pourquoi se préoccuper de la Loutre d’Europe ?
Elle était autrefois présente partout en France, mais elle a quasi disparu au cours du 20e siècle suite à la dégradation de ses habitats et parce qu’elle était chassée pour sa fourrure et considérée comme une concurrente pour la pêche. Au tournant 1970-1980, sa protection a permis la recolonisation douce de nos cours d’eau et à la fin des années 2000, elle est réapparue en Bourgogne depuis les bassins de l’Allier et de la Loire. On suspecte aussi qu’une petite population s’était maintenue sur le Morvan. Les collisions routières représentent cependant un frein majeur à son retour. Bien qu’excellente nageuse, elle a tendance à emprunter les ponts, surtout lors des crues. Encore très vulnérable après avoir frôlé l’extinction, l’espèce a besoin de mesures pour consolider sa reconquête du territoire et ses effectifs.
Que faire face à ces accidents routiers ?
En 2017, un vaste programme pour diagnostiquer les ouvrages d’art a été lancé par la SHNA-OFAB* avec le soutien de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie sur les rivières de plus d’un mètre de largeur, les plus fréquentées par la Loutre. Grâce à une méthode développée par le Groupe mammalogique breton, un niveau de risque est estimé selon le potentiel que possède le milieu pour accueillir l’espèce, l’importance du trafic routier, et la possibilité de passer au bord de l’eau sous l’ouvrage. Plus de 1 000 ponts ont été inspectés et le travail se poursuit. Les ponts à risque fort ou très fort, de l’ordre de 150, ont été remontés aux Conseils départementaux. Le problème est parfois résolu par la mise en place d’une « banquette à Loutre » qui sert à circuler à sec sous les ponts. Celle-ci peut être faite de roche et de béton, d’acier, ou de matériaux naturels qui façonnent alors une sorte de berge artificielle.
Quel bilan dresser ?
La Bourgogne compte pour l’instant 29 banquettes, en majorité dans la Nièvre, dont 7 installées en 2023. Traces et pièges photographiques confirment que les loutres y ont bien recours. En dehors du diagnostic des ouvrages bourguignons, en amont de tous travaux de restauration, la SHNA-OFAB peut être sollicitée pour inclure une banquette dans le projet, ce qui reste un surcoût mineur au regard des montants engagés. Des prospections sont également en cours pour mieux connaître la répartition de l’espèce. Elles aident progressivement à obtenir une meilleure vision du front de progression et à l’anticiper.
Justine COLINET, Chargée d’études faune sauvage-mammifères à la SHNA-OFAB
En complément des banquettes ou quand un équipement s’avère difficilement envisageable, une signalétique peut inviter les automobilistes à ralentir. En tant que conducteur, c’est un réflexe à adopter sur tous les ponts, particulièrement au crépuscule et la nuit, périodes d’activité de la Loutre, du Castor et de bon nombre d’espèces qui ont cherché à fuir la persécution humaine. Des accidents ont été reportés même sur des ouvrages qui ne semblaient a priori pas critiques, ce qui montre que le déplacement de la Loutre demeure en partie imprévisible. Il est nécessaire de sensibiliser les élus pour qu’ils s’emparent du sujet. Les collectivités et particuliers peuvent aussi agir pour la conservation de la Loutre en s’inscrivant dans l’opération « Havre de Paix pour la Loutre », afin d’aménager des parcelles qui lui soient favorables.
Mini glossaire
SHNA-OFAB : Société d’histoire naturelle d’Autun-Observatoire de la faune de Bourgogne.