Décimées à la fin du 20e siècle par la logique agro-industrielle, les haies sont de nouveau largement plébiscitées sans pour autant disposer des conditions nécessaires à leur essor.
Pourquoi les haies sont-elles précieuses pour la biodiversité ?
On réduit souvent les haies à leur dimension de corridors écologiques. Elles sont effectivement utiles aux espèces pour se déplacer entre « réservoirs de biodiversité ». De surcroît, elles accueillent des espèces qui leur sont propres. Elles sont l’équivalent de ce que l’on nomme des « manteaux », ces formations arbustives intermédiaires habillant le pourtour des forêts, à la différence qu’elles poussent au milieu de nos paysages agricoles. Un oiseau comme la Fauvette babillarde, typique des épineux qui les constituent, a probablement énormément bénéficié de la multiplication des haies qui a autrefois eu cours pour délimiter l’espace.
Une haie est-elle toujours aussi bénéfique quelle que soit sa nature ?
Pour être pleinement fonctionnelle et répondre aux besoins de la faune locale, elle doit elle-même être composée d’essences indigènes. Qui plus est, les plants et semences sont mieux adaptés s’ils proviennent directement du territoire, comme le garantit par exemple la marque Végétal local portée par l’Office français de la biodiversité. Une solution efficace consiste à installer des barrières de protection et à laisser venir naturellement les plantes : elles seront à coup sûr issues de graines locales et connaîtront un meilleur succès que des plants sensibles aux sécheresses. Une bande herbacée doit être maintenue le long du linéaire de haie pour que la végétation spontanée basse trouve sa place. De bonnes pratiques doivent aussi être observées pour l’entretien, en respectant des périodes de taille hivernales avec des outils prodiguant une coupe franche comme le lamier, le déchiquetage par l’épareuse étant délétère.
Pourquoi dresser un bilan mitigé de la réhabilitation actuelle des haies ?
En 2007, le Grenelle de l’environnement s’est proposé d’aller au-delà de la notion d’espaces protégés, qui se cantonnait à des zonages réglementaires, pour prendre en compte la nature dans sa globalité. S’est alors développé le concept de Trame Verte et Bleue pour assurer une continuité écologique nationale. L’esprit initial s’est aujourd’hui perdu quand on voit qu’on encourage et subventionne la plantation de haies sans se préoccuper de ce qu’il y a autour. La matrice de la trame est la grande oubliée. Cela conduit à des aberrations où les haies sont replantées dans des « déserts ». De plus, parallèlement aux plantations de haies, les arrachages se poursuivent à un rythme supérieur.
François DEHONDT, Directeur adjoint du bureau d’études TBM Environnement
Comme pour toute action en faveur de l’environnement, l’incitation pécuniaire ne peut à elle seule préserver durablement les haies. Des changements politiques ou une diminution des subventions les remettront inévitablement en péril. Il est nécessaire que le monde agricole comprenne véritablement l’utilité de ces pratiques et y adhère. L’ensemble de la société devrait pouvoir accompagner ces évolutions, notamment à travers des chantiers locaux participatifs. Nous devons cultiver une reconnaissance à ce sujet, le bénéfice étant commun à tous. Il faut aussi cesser les injonctions contradictoires : il y a peu, des aides versées aux agriculteurs étaient amoindries en cas de bosquets sur leurs parcelles, alors que la plantation de haies était dans le même temps financée.