
Aux frontières de la Bourgogne, la Réserve naturelle nationale du Val de Loire donne à voir une biodiversité ligérienne pour partie en sursis.
Pouvez-vous nous présenter la Réserve naturelle nationale (RNN) du Val de Loire ?
Ses plus de 1 400 hectares s’étendent entre Couargues et La Charité-sur-Loire sur deux départements, le Cher et la Nièvre. La RNN est cogérée par les Conservatoires d’espaces naturels de Centre-Val de Loire et de Bourgogne. Elle comprend à la fois le lit vif de la Loire, des annexes hydrauliques, c’est-à-dire des bras morts et chenaux secondaires que l’on surnomme ici « boires », des boisements et des milieux ouverts. Elle fêtera cette année ses 30 ans.
Quelles espèces patrimoniales y trouve-t-on ?
Il est difficile de choisir lesquelles citer parmi les 130 espèces menacées de disparition qu’elle abrite. Certaines sont très spécifiques aux milieux ligériens. Leur rareté est parfois difficilement soupçonnable pour les non-connaisseurs. Les corynéphores, par exemple, peuvent être prises pour de simples herbes, alors qu’il s’agit de plantes peu communes qui stabilisent les berges et permettent au reste de la végétation de s’installer. Le Peuplier noir, un arbre structurant de la forêt alluviale, est menacé d’hybridation avec les cultivars* comme le Peuplier d’Italie, très ressemblant et répandu. Chez les libellules, on peut évoquer l’emblématique Gomphe serpentin. La RNN a aussi la chance d’accueillir plusieurs familles de castors. En hiver, elle devient l’un des plus importants sites d’hivernage de la Grue cendrée.
La RNN est-elle ouverte à tous ?
Oui, et c’est une bonne chose pour que chacun découvre ses richesses. Cependant, le dérangement est une problématique récurrente. La réglementation interdit les chiens, y compris en laisse. Malheureusement, nous constatons fréquemment des infractions, malgré les risques de verbalisation. Or un chien provoque des perturbations simplement en se baladant sur une grève de sable. Il va y déposer une odeur de prédateur qui dissuadera des oiseaux comme l’Œdicnème criard, le Petit gravelot, ou le Chevalier guignette d’y nicher. Par ailleurs, beaucoup de canoës traversent la RNN. Nous appelons donc à la vigilance lors des pique-niques. Si un oiseau en train de couver au sol est contraint de s’envoler, il expose les œufs à des températures mortelles pouvant s’élever à 50 °C sur les grèves. De plus, pour échapper aux prédateurs, ces œufs ressemblent à s’y méprendre à des cailloux, ce qui accroît les risques d’écrasement.

Cécile RACAPÉ, Conservatrice de la RNN du Val de Loire
En se promenant dans la RNN, ces dernières années, on voit davantage de sable. Les habitués peuvent avoir l’impression qu’il y en a en plus grande quantité, mais c’est tout l’inverse. L’extraction dont a fait l’objet la Loire après-guerre a creusé le lit de la rivière, un phénomène qui se poursuit aujourd’hui. Le fleuve ayant moins de sédiments à déplacer, il dépense son énergie en creusant. De plus en plus basse, l’eau n’atteint plus tous les espaces qui dépendaient de la dynamique naturelle de la Loire. Les ripisylves* ont de moins en moins les pieds dans l’eau, les chenaux se raréfient. Le dérèglement climatique, qui pourrait faire baisser jusqu’à 50 % les débits moyens de la Loire, risque d’aggraver la situation. À travers notre plan de gestion, nous travaillons pour préserver au mieux la RNN, mais certains sujets dépassent son périmètre.
Pour en savoir plus
Retrouvez toutes les informations pour accéder à la réserve naturelle ainsi que les animations proposées sur le site internet du Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne : https://www.cen-bourgogne.fr/les-sites/reserves-naturelles/ ainsi que sur le site du Conservatoire d’espaces naturels Centre-Val de Loire https://www.cen-centrevaldeloire.org/ https://www.musees-patrimoine-autun.com/