Publié le 26 octobre 2022
Plus de 40 ans de suivi de populations en forêts bourguignonnes font sortir de l’ombre la chouette aux vocalises bien connues…
Pourquoi avoir initié une étude sur la Chouette hulotte ?
L’étude a démarré en 1979 dans le but d’établir des comparaisons avec une autre étude débutée 8 ans plus tôt sur l’Effraie des clochers, moins commune. Les résultats ont révélé une dégringolade des effectifs de l’Effraie, principalement à cause de la raréfaction de ses sites de reproduction qui sont établis près des humains (clochers grillagés, écroulement de pigeonniers, granges converties en maisons secondaires…). Une pose intensive de nichoirs a donc été engagée, avec près de 500 nichoirs installés en Côte-d’Or. La situation est différente pour la Chouette hulotte, pour laquelle des nichoirs ont été mis en place dans le seul but de faciliter son étude – plus de 300 au total dans 11 forêts bourguignonnes de vastes superficies comme Châtillon, Cîteaux… Comme l’espèce est sylvicole, il est en effet plus ardu de déceler ses sites de nidification naturels.
Qu’avez-vous appris sur sa reproduction à travers ces 40 ans de suivi ?
Comme chez beaucoup d’animaux, le succès de reproduction s’avère lié à la ressource alimentaire. Sans réserves de graisse, la Chouette hulotte peine à constituer des œufs. Plus les proies sont nombreuses, plus la date de ponte est précoce et le nombre d’œufs élevé.
L’analyse des pelotes de réjection* montre un menu principalement constitué de 3 espèces : le Mulot sylvestre, le Mulot à collier et le Campagnol roussâtre. L’abondance de ces petits rongeurs fluctue selon un cycle de 2 à 5 ans, avec de « bonnes » et de « mauvaises » années corrélées à la fructification des chênes et des hêtres. C’est ce cycle qui influence la réussite reproductive de la hulotte en Bourgogne. L’année 2022 a atteint un record qui n’avait plus été vu depuis 1986 : seuls une vingtaine de jeunes ont été bagués, contre environ 350 en 2021 ! Ces variations sont normales pour l’espèce. Dans les forêts suivies en Bourgogne, chaque femelle pond en moyenne 3 à 5 œufs autour du 4 mars.
Avez-vous mis en lumière d’autres caractéristiques de la hulotte ?
Notre suivi montre une longévité moyenne de 6 ans, bien que nous ayons rencontré à une reprise le cas d’un individu encore vivant à 23 ans. L’Effraie des clochers vit en moyenne 3 ans de moins. Sa stratégie reproductive repose sur la ponte d’un plus grand nombre d’œufs, 5 à 10, mais au total, à l’échelle d’une vie, la quantité d’œufs pondus est similaire avec la hulotte. Outre les rongeurs, la Chouette hulotte se nourrit d’oiseaux tels que le Geai des chênes, le Merle noir et la Grive musicienne, bien utiles pour survivre en période de disette. L’Effraie n’a pas la capacité de se reporter sur ces grosses proies, ce qui la rend plus fragile.
Le mot de l’expert
Hugues BAUDVIN, Ornithologue spécialiste des chouettes et hiboux
Comment se déroule l’intervention terrain ?
Les nichoirs sont visités 2 fois par an par une petite équipe de bénévoles de La Choue* : en décembre/janvier, avant la ponte, pour être nettoyés et remis en état, et en avril/mai, après éclosion. L’adulte est capturé à l’aide d’une épuisette et les jeunes attrapés pour être pesés, mesurés, bagués rapidement pour limiter le dérangement. En cas de couvaison tardive en cours, nous passons au nichoir suivant sans intervenir. La hulotte étant protégée (comme tout rapace), nous disposons d’une autorisation de capture accordée par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, qui fournit les bagues. L’action est financièrement soutenue par le Conseil départemental de Côte-d’Or, le Conseil régional et la DREAL de Bourgogne-Franche-Comté.
Mini-glossaire
La Choue : association pour l’étude et la protection des rapaces nocturnes en Bourgogne-Franche-Comté.
Pelotes de réjection : restes non digérés des proies rassemblés en une boule rejetée par le bec.
Pour en savoir plus
Davantage de détails sur l’étude sur la corrélation régime alimentaire/réussite reproductive de la Chouette hulotte sont à retrouver dans la revue BFC NATURE n° 34. Pour vous documenter sur les rapaces nocturnes, consulter les résultats complets des études, ou rejoindre les bénévoles de La Choue, rendez-vous sur www.lachoue.fr.