Entretien avec Justine Amiotte-Suchet
Chargée de communication et de médiation scientifique
Pouquoi avez-vous rejoint le Conservatoire botanique national de Franche-Comté – Observatoire régional des invertébrés (CBNFC-ORI) ?
Le CBNFC-ORI est une association « pluri-domaines ». Elle intervient autant sur la flore, les habitats, et les invertébrés comme les insectes. Ce sont des éléments essentiels de notre environnement, malheureusement leur disparition passe sous silence. Il y a donc un enjeu fort à la sensibilisation et à la diffusion des connaissances en Franche-Comté. Mon travail est de mettre en lumière ces parties oubliées de la biodiversité !
Pouvez-vous nous expliquer comment et pour quelles raisons le CBNFC-ORI a-t-il été créé ? Quel est son historique ?
Le Conservatoire botanique national de Franche- Comté a été créé en 2004. Nous faisons partie des 11 conservatoires botaniques nationaux présents en France métropole et dans les départements d’outre-mer. Nous sommes missionnés par l’État pour la connaissance, la protection et la conservation de la flore sauvage. En 2011, nous avons fusionné avec l’observatoire régional des Invertébrés de Franche-Comté. Nous sommes ainsi devenus le seul conservatoire à travailler sur la flore et sur l’entomofaune, c’est-à-dire les insectes, et plus largement sur les invertébrés comme les mollusques. L’acquisition de cette compétence, complémentaire à notre travail, est un réel atout. Les cycles de vie des insectes sont intimement liés à la flore. Beaucoup de papillons de jour pondent sur une seule espèce de plante ! Très souvent, quand nous étudions une espèce végétale, nous allons étudier l’insecte qui est lié et inversement
Azuré des Mouillères et sa plante «hôte», la Gentiane pneumonanthe © Catherine Duflo
Quelles sont les missions de l’association ?
Nous avons quatre grandes missions :
1. La connaissance est notre mission fondamentale.
Celle-ci se fait par l’acquisition de connaissances sur l’écologie, le cycle de vie, les habitats, la répartition des espèces, et leur évolution dans le temps (si elles régressent ou augmentent). Ces données de répartition sont rassemblées au sein d’une base de données centrale, nommée TAXA. Une bonne connaissance des espèces et de leur évolution va permettre par la suite d’affiner les propositions de préservation de ces dernières et d’accompagner au mieux les politiques publiques. Ces informations sont récoltées par des études de terrain, des inventaires, et de la bibliographie (archives, annales, …). L’ensemble est réalisé par l’équipe salariale, appuyée par nos deux réseaux de bénévoles de botanistes et
d’entomologistes.
Inventaires et travail de terrain © François Dehondt
2. La conservation des espèces et des milieux.
Leur préservation passe par divers moyens :
L’animation et l’accompagnement des gestionnaires de milieux naturels où des espèces protégées ont été identifiées.
La production de documents techniques indiquant les pratiques à privilégier pour préserver un habitat, une espèce végétale ou animale.
La collecte de graines d’une espèce protégée ou en danger d’extinction.
Depuis 10 ans, nous menons une action de préservation du Saxifrage œil-de-bouc, une espèce en danger critique d’extinction en
Franche-Comté. Les graines de la plante ont été collectées, son cycle de vie a été étudié pour faciliter sa réintroduction en milieu naturel. En 2017, les premiers plants ont été réintroduits! Ce projet a pour but de renforcer les populations et d’éviter ainsi la disparition de l’espèce.
L’Ail anguleux, une espèce en danger d’extinction, qu’on ne trouve en
Franche-Comté plus que sur un seul site, dans le Grand Besançon © François Thiery
3. L’expertise et l’accompagnement des acteurs comme les collectivités. À partir des connaissances acquises, le CBNFC-ORI va pouvoir aider les pouvoirs publics dans leur prise de décisions, notamment pour des plans d’urbanisme.
Analyser les milieux pour mieux comprendre l’écologie des espèces © Justine Amiotte- Suchet
4. L’information et la sensibilisation du grand public à la fragilité de la biodiversité qui les entoure, que ce soit autour des espèces et des habitats menacés ou non.
Évenements grand public et accueil de scolaires © Julien Ryelandt
Quels sont vos outils de sensiblisation ?
Nous en avons quatre :
Le site internet
Le site internet met à disposition du grand public toutes les connaissances acquises par le CBFCN-ORI et on peut y trouver :
•Plus de 8000 fiches d’espèces végétales et certains invertébrés. Ces fiches comportent un ensemble d’informations sur l’espèce. La répartition des individus de chaque espèce est visible en temps réel.
•La liste des espèces présentes dans les communes franc-comtoises.
•Des ressources documentaires larges (expertises scientifiques, grand public…).
Notre science participative
Via des enquêtes grand public menées toute l’année. Elles permettent aux Francs-Comtois de signaler une espèce connue comme la Courtilière, le Lucane cerf-volant, le Ver luisant ou la Punaise arlequin ! Certaines de ces enquêtes sont conduites avec la Société d’histoire naturelle d’Autun dans le cadre de l’Observatoire de la faune de Bourgogne.
Une exposition (Prêt gratuit)
La flore menacée de Franche-Comté.
Nos médias
Des podcasts disponibles sur le site de RCF Besançon pour découvrir 16 espèces en voie de disparition et un partenariat avec le journal L’Est Républicain sur six mois, de janvier à juin 2019, avec la parution d’une chronique par semaine dédiée à la flore menacée (à retrouver sur le site du www.cbnfc.org).
De nombreux projets pour 2020 !
Poursuite de la réintroduction du Saxifrage œil-de-bouc avec un suivi des plants qui ont été intégrés en milieu naturel afin d’adapter notre méthode.
Une grande étude génétique va être lancée sur un papillon habitant des tourbières pour répondre à certaines interrogations : comment les populations se déplacent-elles ? À quelle distance ? Y-a-t-il un lien entre les populations de cette espèce ?
Réalisation d’un atlas de la biodiversité du grand Besançon qui présentera les habitats caractéristiques du territoire d’étude avec la flore et la faune qui y sont associées.
S’investir dans l’association
Ponctuellement :
en participant aux enquêtes grand public qui ne nécessitent pas d’inscription sur le site internet.
Régulièrement :
En devenant « observateur », il s’agit de noter les observations (localisation, espèces, date…), de photographier les espèces vues lors de balades et de partager ces données sur la base «Taxa » qui centralise toutes ces informations sur cbnfc-ori.org.
En intégrant l’un des deux réseaux de bénévoles avec qui nous travaillons en étroite collaboration : la Société botanique de Franche-Comté (SBFC) ou l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE) de Franche-Comté.