Agricultrice biologique

Rencontre avec Laurence Henriot

À Villebichot en Côte-d’Or (21) dans une ferme de 255 hectares, nous avons rencontré Laurence Henriot, agricultrice biologique depuis 12 ans. Elle fait partie d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), avec Hervé Naigeon (installé en 1988) et son mari, Raphaël Lanier (installé en 2010).

Article extrait de la revue Nature Junior n°10 – La 6e extinction des espèces (2020)

Quel est votre métier ? Quelles sont vos activités ?

Laurence Henriot :

Je suis agricultrice. Avec mes associés nous gérons une exploitation en polyculture-élevage en bio, c’est-à-dire une ferme où nous cultivons des céréales et élevons des animaux de races allaitantes (le lait produit par la mère nourrit le veau) destinés à la production de viande. Nous cultivons 12 espèces végétales : seigle, épeautre, petit épeautre, triticale, avoine, féverole, méteil (mélange de céréales pour les animaux) luzerne, maïs, blé ancien, blés de variétés modernes, tournesol et soja. « Le bio » nous donne l’occasion de redécouvrir et de préserver des variétés de céréales oubliées. Certaines d’entre elles étaient cultivées il y a plus de 100 ans. C’est notamment le cas des blés anciens, qui n’ont jamais été sélectionnés et ont gardé un gluten plus digeste que les semences de blés actuels. Du côté élevage, nous avons un troupeau de race charolaise constitué de 68 vaches et un troupeau de race bazadaise (12 vaches), race à petit effectif. Ces dernières sont très recherchées, nous contribuons, à notre niveau, à sa sauvegarde !

Laurence Henriot et son troupeau de race bazadaise ©Julien Dromas

Qu’est-ce qui vous a conduit à exercer ce métier ?

Laurence Henriot

Plusieurs choses. Tout d’abord j’ai une sensibilité à la protection de l’environnement. Il y a aussi un côté économique : en conventionnel les charges (engrais et pesticides) augmentent et les prix sont très bas. C’est compliqué de vivre de son métier aujourd’hui dans ce système. Actuellement, la pratique d’une agriculture biologique permet de vivre de son métier (et cela doit le rester !), de respecter le consommateur et de préserver la biodiversité. C’est une démarche globale et cohérente.

Quelle est la force d’une ferme biologique ?

Laurence Henriot

C’est un modèle d’agriculture respectueux de l’environnement, qui n’utilise pas de produits phytosanitaires, ni d’engrais chimiques de synthèse, elle doit respecter un cahier des charges, tous les acteurs de la filière sont contrôlés par un organisme de contrôle indépendant. La réussite d’une ferme bio est basée sur l’autonomie. Le modèle de polyculture-élevage s’y prête complètement ! L’association des deux ateliers « élevage » et « végétal » est complémentaire et nous permet d’être autonome sur :

L’alimentation des animaux et du sol

Nous débutons la rotation (succession des différentes cultures) par de la luzerne (légumineuse qui reste en place 3 ans). Elle enrichit le sol, limite le salissement (le sol n’est pas envahi par les adventices) et constitue un bon fourrage pour nos vaches.

Les matières fertilisantes

Nous utilisons le fumier apporté par les vaches pour l’épandre sur les cultures.

La litière des animaux

Elle est produite par la paille fournie par une partie des cultures. Pas besoin d’en acheter !

La production de nos semences

Nous les récoltons à partir de nos cultures. La boucle est bouclée !

Rencontrez-vous des problèmes dus aux changements globaux ?

Laurence Henriot

L’association élevage-culture est un système équilibré qui protège notre environnement et protège l’agriculteur de drames climatiques. Dans notre cas, nous avons la chance de ne pas être confrontés à ces problématiques. Nos terres sont profondes et drainées ce qui, en période de fortes pluies, va permettre d’évacuer l’humidité plus rapidement. Au cours des épisodes de sécheresse, nos cultures vont mieux supporter le manque d’eau. Le fait que nous réalisions nos propres semences font que nos plantes, plus rustiques, sont adaptées à leur environnement. C’est un réel avantage. Dans le cas des cultures conventionnelles, c’est plus difficile. Les semences sont souvent achetées par l’agriculteur et sont produites dans une autre région, voire un autre pays. Elles sont « déconnectées » de l’environnement dans lequel elles vont évoluer dans l’année. Elles sont également plus dépendantes des apports en engrais, en matières fertilisantes et en pesticides, et seront donc moins autonomes face à ces changements.

Avez-vous des projets pour la suite ?

Laurence Henriot :

Nous faisons partis du projet « Régulations biologiques en Gestion Agro-Ecologique » (RegGAE) mené par l’ Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Dijon en partenariat avec les Établissements Publics Locaux d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricoles (EPLEFPA) de Quetigny-Plombières-lès-Dijon et 3 exploitations agricoles de la plaine dijonnaise (GAEC Henriot, Groupement d’Intérêt Économique (GIE) des 4 épis, GAEC de la Champagne) avec l’appui du laboratoire d’éco-entomologie, et SupAgro Montpellier. Il s’agit d’un partenariat européen pour l’innovation. Il vise à faciliter les échanges de connaissances et la prise en compte de la pratique agricole. L’étude a pour but de comparer trois modèles d’agricultures et d’évaluer l’impact de ces pratiques sur l’environnement. Mais aussi de comprendre le rôle des insectes dans la gestion des plantes adventices (qui poussent spontanément) et si ils limitent la prédation sur les cultures. En ayant une meilleure connaissance et un meilleur enseignement des régulations biologiques, il est possible de donner aux agriculteurs les moyens d’infléchir leurs pratiques vers des solutions alternatives dans la lutte contre les ravageurs des cultures et les adventices. C’est un projet dans lequel le lycée agricole de Quetigny Plombière-lès-Dijon est très impliqué. Nous aurons les résultats l’année prochaine !

Quelle formation avez-vous suivie ?

Laurence Henriot :

Je suis issue du monde agricole. Dans ma famille, on exerce ce métier de génération en génération depuis 200 ans. C’est donc tout naturellement que j’ai suivi une formation agricole, plus précisément, un BTS en productions animales. Ma sœur a également choisi cette voie en reprenant un domaine viticole en biodynamie dans le Beaujolais. L’agriculture est « ancrée » dans nos gênes !

Quels conseils donneriez-vous aux futurs agriculteurs ?

Laurence Henriot :

Je leur souhaite de revenir aux bases. L’enseignement agricole doit faire passer les bons messages et permettre aux futurs agriculteurs de réapprendre à faire de l’agronomie, de réapprendre à observer le vivant et faire confiance à la nature. Elle est bien faite ! Nous voulons trop souvent la dominer, nous ne la maîtrisons pas et c’est très bien comme ça.

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