Les mauvaises herbes, un vrai problème ?

© Gilles Macagno

Pourchassée par l’agriculteur et le jardinier, la flore naturelle des champs est aujourd’hui reconsidérée face au manque de connaissances quant à sa nuisibilité pour les cultures.

Qu’entend-on par « plantes adventices » ?

Ce sont des plantes qui poussent naturellement dans les milieux cultivés et peuvent causer une gêne aux agriculteurs. En grande partie annuelles, elles sont nommées « mauvaises herbes », expression qui ne met en avant que leur aspect négatif, ou « adventices », qui évoque qu’elle s’ajoute dans les champs alors qu’elles font partie intégrante de l’agrosystème* et sont indispensables à son bon fonctionnement. Elles ont depuis toujours été intensivement désherbées par les agriculteurs, autrefois de manière entièrement mécanique. Ce désherbage s’est encore intensifié avec l’arrivée des molécules de synthèse.

Comment se porte cette flore ?

Nous avons peu de recul, car elle a très longtemps été insuffisamment décrite par les botanistes. On suppose que depuis le début du 20e siècle, une dizaine d’espèces ont disparu et que sa diversité et sa densité ont diminué avec l’évolution des pratiques culturales. En cause : le tri des semences, l’apport d’azote, l’irrigation, la sélection d’espèces cultivées compétitives, puis le recours aux herbicides de synthèse à partir de 1945. Les premières recherches ont mis en évidence qu’entre 1970 et 2000, le nombre d’espèces a diminué de – 44 % et la densité moyenne par mètre carré baissé de – 67 % dans les champs français. Puis avec les réglementations européennes sur les produits de synthèse, l’essor de l’agriculture biologique, des bandes enherbées et des jachères faunistiques, les tendances semblent s’être inversées.

Sur les quelques 1 200 espèces rencontrées dans les milieux agricoles, environ 200 y sont fréquemment trouvées. Une centaine sont dites « messicoles* », des espèces souvent rares qui font l’objet de programmes de protection. La flore des champs cultivés représente un réel enjeu de sauvegarde de la diversité végétale.

Les mauvaises herbes sont-elles vraiment problématiques pour les cultures ?

À ce jour, il est difficile de répondre précisément à cette question qui semble pourtant évidente. Très peu d’éléments chiffrés détaillés existent sur les pertes de rendement, difficiles à quantifier. Les mauvaises herbes peuvent entrer en compétition avec les cultures car elles puisent de l’azote, des nutriments, de l’eau dans le sol, et recherchent la lumière. Cependant, il n’y aura pas de perte là où ces éléments seront disponibles en quantité suffisante. Leur caractère compétitif dépend étroitement des conditions extérieures et des espèces, si bien qu’on ne peut établir un seuil de nuisibilité*. Elles sont par ailleurs bénéfiques à bien des titres : pour les pollinisateurs sauvages et les abeilles domestiques avec leur pollen, pour le bétail en complément de pâture, pour la limitation de l’érosion des sols… Aussi, si désherber semble obligatoire pour préserver une récolte suffisante, le bilan global du rôle de ces espèces reste difficile à établir.

 

 


 

 

 

Le mot de l’expert

Bruno CHAUVEL, chercheur à l’Unité Mixte de Recherche Agroécologie, INRAE* Bourgogne-Franche-Comté

Où en sont les recherches sur l’intérêt de garder les mauvaises herbes ?

Elles n’en sont qu’à leurs débuts. Le mieux est d’éviter d’utiliser des herbicides de synthèse, car on connaît leurs effets potentiellement néfastes sur la santé et l’environnement. Certains prônent l’arrêt total du désherbage de synthèse, d’autre une baisse graduelle. Le coût des pratiques culturales est aussi en jeu. Des productions au prix de vente élevé comme le vin de Bourgogne pourront plus facilement se passer d’herbicides que celles de consommation courante où le bas prix est attendu. Une solution pourrait passer par un partage du territoire combinant agriculture à fort rendement limitant les mauvaises herbes et agriculture à rendement plus faible, plus riche en flore adventice et financièrement soutenue. Mais le débat reste ouvert et implique de nombreux acteurs.

 

 

 


 

 

Pour en savoir plus

Visitez un site dédié aux plantes messicoles* : http://messicoles.cbnpmp.fr et découvrez deux ouvrages : L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales, aux éditions Promonature, et Mauvaises herbes des cultures, paru chez Acta Éditions, parfait pour reconnaître les mauvaises herbes.

Mini glossaire

Agrosystème : écosystème où l’être humain pratique des cultures.
INRAE : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
Messicole : plante poussant uniquement dans les champs.
Seuil de nuisibilité : densité au-delà de laquelle la présence des mauvaises herbes va se traduire par une perte de rendement.

 

 

 

 

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