Jadis traqué comme nuisible et chassé à l’excès, le Castor reprend ses marques cours d’eau après cours d’eau, accompagné par un réseau participant à résoudre les conflits d’usage.
Comment le Castor d’Europe a-t-il retrouvé un bon état de conservation ?
L’espèce a frôlé l’extinction en France au début du 20e siècle. Seules quelques dizaines d’individus subsistaient alors à l’embouchure des Bouches-du-Rhône, dans le Gard et le Vaucluse. Grâce à une protection locale dont il a été le premier mammifère à bénéficier dans les années 1900, ses populations ont pu se rétablir, recolonisant petit à petit le territoire vers l’amont. En 1968, sa protection est devenue intégrale nationalement. Diverses opérations de réintroduction sur les principaux bassins comme celui de la Loire, de la Moselle et du Tarn, ont renforcé ses effectifs. Aujourd’hui, avec 18 000 km de cours d’eau colonisés, le Castor se porte assez bien, de la Loire au Rhône jusqu’aux Ardennes. Sa progression est plus lente dans le sud-ouest et le nord. La seule régression à noter concerne la Bretagne.
Pourquoi le qualifie-t-on d’« ingénieur des écosystèmes » ?
Cette appellation souligne le fait qu’il modifie son environnement avec ses barrages qui visent à augmenter localement le niveau d’eau. Le Castor d’Europe n’établit pas de barrages sur les grands cours d’eau, leur profondeur étant suffisante pour cacher l’entrée de son gîte et ainsi le protéger des prédateurs. Il en bâtit sur les petits cours d’eau, ce qui facilite aussi ses déplacements, car il est beaucoup plus à l’aise dans l’eau. Il en résulte des zones tampons favorables à la recharge des nappes phréatiques et qui minimisent les effets des sécheresses. Cela diversifie également les écosystèmes des rivières avec des eaux lentiques* appréciées par certaines espèces. La qualité physico-chimique de l’eau est par ailleurs améliorée par le filtrage assuré par la construction, les sédiments tombant vers le sol. Et contrairement à nos propres barrages, ceux du Castor n’empêchent pas le passage des poissons, n’étant pas complètement étanches.
Quelles sont les actualités autour du Castor ?
Coordonnée notamment par la SNPN* et la SFEPM*, l’Année du Castor a débuté en avril dernier pour fêter les 50 ans de sa réintroduction sur le bassin de la Loire. Jusqu’en juin 2025, des animations sont programmées pour tous les publics sur l’ensemble de la France. Point d’orgue de l’événement : un colloque à Blois fin 2024 où seront présentés les travaux préliminaires d’un plan national d’action pour le Castor actuellement en préparation.
Thomas RUYS, Écologue spécialisé en mammifères sauvages, Président de la SFEPM
La cohabitation avec le Castor nécessite parfois une médiation. Il arrive que les barrages perturbent les activités humaines lorsqu’ils inondent des cultures, des vergers, ou des populicultures. L’espèce peut rogner quelques arbres pour se nourrir, mais cela ne les tue pas. Les rejets renforcent le système racinaire et solidifient les berges. Quoi qu’il en soit, des solutions sont toujours trouvées au cas par cas, par exemple en laissant un espace non exploité sur 30 mètres à partir de la berge, en protégeant les plantations par des manchons, en installant un siphon pour réduire l’effet d’un barrage… Certaines parcelles peuvent aussi être rachetées pour une mise en gestion naturelle compatible avec les inondations. Ces démarches sont assurées par le Réseau Castor. D’abord animé par l’Office français de la biodiversité missionné par le Ministère de l’écologie en 1987, il est désormais élargi au réseau associatif avec une nouvelle charte depuis 2024.
Mini-glossaire
Lentique : se dit d’un écosystème aquatique aux eaux à faible débit ou stagnantes.
SFEPM : Société française pour l’étude et la protection des mammifères.
SNPN : Société nationale de protection de la nature.
En savoir plus
Les problématiques de cohabitation, de gestion de l’eau ou encore la plus-value écologique que suscite cette espèce sont à retrouver dans l’édition des actes du Colloque Castor du N°36 de la revue scientifique BFC NATURE. Vous pouvez commander votre exemplaire sur notre site internet ou pat téléphone au 03.86.76.07.36.
Les communications sont également disponibles sur la chaîne YouTube de France Nature Environnement Bourgogne-Franche-Comté.