Discrètes plantes qualifiées d’« archaïques » du fait de leur caractère précurseur dans l’histoire évolutive, les bryophytes se dévoilent aux quatre coins de la région.
Qu’est-ce qu’une bryophyte ?
Ce sont les mousses au sens classique, ainsi que les hépatiques et anthocérotes, parfois confondues avec des mousses ou des lichens. On considère qu’elles sont les premiers végétaux à s’être adaptés au milieu terrestre. Tout comme les plantes vasculaires que chacun connaît, elles recourent à la photosynthèse. En revanche, elles n’ont pas de système circulatoire. Ce qui ressemble à de petites racines ne leur sert en fait qu’à s’accrocher, non à capter l’eau ou les nutriments. Les échanges avec l’extérieur se font directement au travers des cellules. Selon les espèces, la reproduction est soit sexuée, avec des spores, soit végétative, la multiplication étant assurée par des organes spécifiques, les propagules.
Quelle connaissance avons-nous des bryophytes de Bourgogne-Franche-Comté ?
Sur les quelque 1 500 espèces connues en France, on en compte à ce jour environ 800 sur la région. Elles ont été étudiées dès le 19e siècle, avant de faire l’objet d’une désaffection. Un énorme chant de savoir demandait à être rebâti. Depuis une dizaine d’années, les Conservatoires botaniques (CBNBP Bourgogne* et CBNFC-ORI*) mènent donc des prospections en suivant une méthode rapide et systématique qui donne un bon échantillonnage des espèces et un aperçu de leur rareté : l’inventaire par maille, sur des parcelles de 5 km par 5, à raison d’une dizaine de mailles par an. Depuis 2023, des fonds européens ont donné un coup d’accélérateur à la démarche avec le programme Les Méconnus de Bourgogne-Franche-Comté, qui aura permis de doubler le nombre de mailles prospectées en 2024.
Quelles sont les étapes du programme ?
Nous avons dressé un état des lieux du nombre d’espèces déjà recensées par régions naturelles, autrement dit dans des zones homogènes au sein desquelles la flore est relativement semblable : Auxois, Bresse bourguignonne… Puis nous avons désigné des zones où réaliser des prospections en priorité, car pauvres en données, comme l’ouest de l’Yonne et une grande partie de la Nièvre et de la Saône-et-Loire. L’année 2025 sera consacrée à la validation et au classement des milliers de données récoltées, pour aboutir à la publication d’un pré-atlas régional. À terme, une liste rouge régionale, telle que définie par l’UICN*, pointera les espèces menacées de disparition afin d’adapter les stratégies de conservation. Une réactualisation régulière des données sera ensuite indispensable pour suivre la trajectoire de ces espèces.
Olivier BARDET, Directeur de l’antenne Bourgogne du Conservatoire botanique national du Bassin parisien
Les bryophytes poussent dans tous types d’habitats, secs, humides, aquatiques, urbains… Leur petite taille rend leur mode d’occupation de l’espace très fin. Dans une forêt, certaines espèces ne vont pousser que sur de gros troncs, d’autres sur des troncs plus modestes, sur du bois mort, sur des cailloux, sur une ancienne taupinière… Elles sont ainsi particulièrement intéressantes pour détecter les fonctionnalités présentes ou manquantes dans un écosystème. Pour trouver ces espèces, une recherche minutieuse doit être menée à la loupe. Dans le cadre d’un inventaire par maille, la zone est sillonnée toute une journée, puis au moins une autre journée est nécessaire en laboratoire pour confirmer les déterminations à la binoculaire et au microscope. Malgré cette technicité pouvant rebuter, le programme vise aussi à motiver de nouveaux passionnés, par l’animation du réseau de bryologues amateurs et la sensibilisation du public pour éveiller la curiosité de chacun.
Mini-glossaire
CBNBP : Conservatoire botanique national du Bassin parisien.
CBNFC-ORI : Conservatoire botanique national de Franche-Comté-Observatoire régional des invertébrés.
UICN : Union internationale pour la conservation de la nature.