Pour relever les défis sanitaires, la santé de tout le vivant, celle des humains comme celle des animaux et des écosystèmes, s’impose comme un triptyque indissociable.
À quoi correspond le concept d’« Une seule santé » ?
Dite « One Health » en anglais, l’approche consiste à prendre acte que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement au sens large, sont étroitement liées. Elle invite les diverses disciplines médicales, vétérinaires, et les sciences de l’écologie à collaborer avec équité pour favoriser le bien-être et lutter contre les menaces pesant sur les différentes santés. Elle promeut un équilibre socioécologique et reconnaît la valeur de l’ensemble du vivant. Elle intègre aussi l’impératif de répondre aux besoins collectifs en eau, énergie et air propres, en aliments sûrs et nutritifs, tout en prenant des mesures contre le changement climatique.
De quand date le concept ?
Les fondements de One Health ont émergé dès l’époque du médecin grec Hippocrate (environ 400 ans avant notre ère), qui intimait ses confrères à considérer l’air, l’eau, les lieux… Le concept en tant que tel s’est affirmé dans les années 2000. Une étape a été franchie en 2021 à travers sa reconnaissance par l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation mondiale de la santé animale, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, et le Programme des Nations Unies pour l’environnement, qui ont formé un groupe interdisciplinaire d’experts pour travailler sur le sujet. En France, le 4e Plan national santé environnement de 2022 plébiscite One Health. On peut aussi noter que le Conseil scientifique Covid-19 s’est durablement transformé en Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires, chargé d’anticiper les futures crises dans une approche Une seule santé. De plus en plus d’organismes sanitaires enjoignent aujourd’hui leurs personnels d’adopter une telle approche.
Est-ce efficace ?
La généralisation de l’approche One Health est une urgence et elle a fait ses preuves. L’arrivée chez nous de la dengue et de la maladie à virus Zika est par exemple intimement liée à l’expansion du Moustique tigre. Or des facteurs écologiques expliquent cette expansion. Employer des produits chimiques de démoustication pour l’enrayer pourrait avoir des effets extrêmement délétères sur les écosystèmes, avec des impacts directs et indirects néfastes pour notre santé. L’introduction du végétal dans nos villes, véritable nécessité face au réchauffement climatique, pourrait qui plus est causer une multiplication des moustiques en l’absence d’une réflexion globale. Pour trouver de vraies solutions, il faut un décloisonnement des différentes administrations : Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, Agences régionales de santé, collectivités territoriales, chercheurs écologues… La prise de conscience doit aussi suivre au niveau des élus.
Patrick GIRAUDOUX, Professeur émérite d’écologie à l’Université de Franche-Comté, Unité de recherche Chrono-Environnement
Le mot de l’expert
Il est facile de comprendre l’interdépendance entre santé humaine et santé animale avec les zoonoses* : si un animal est en bonne santé, il ne nous transmettra aucune maladie ! Quant au lien avec la santé des écosystèmes, dans un écosystème simplifié, donc en mauvaise santé (la biodiversité étant un paramètre essentiel de bonne santé), les maladies se diffusent beaucoup plus facilement : si l’espèce qui a pris le dessus est touchée, la maladie va rapidement se propager. Les écosystèmes simplifiés dans lesquels nous évoluons, la dominance en biomasse de l’humanité et ses animaux domestiques, nous rendent ainsi particulièrement vulnérables à côté de la grande diversité (y compris microbienne) que représente par exemple une forêt équatoriale. Dans ce contexte, pour notre propre santé, One Health implique un retour généralisé de la biodiversité accompagné par les savoirs scientifiques.
Mini-glossaire
Zoonose : maladie pouvant être transmise par un animal.
Pour en savoir plus
Édité par l’École des hautes études en santé publique, l’ouvrage Environnement et santé publique, fondements et pratiques consacre son 3e chapitre à « Une seule santé ». Il est consultable en accès libre en suivant le lien : https://www.cairn.info/environnement-et-sante-publique–9782810910076.htm. Relisez aussi l’article « Biodiversité : un sauvetage prioritaire » paru dans cette rubrique et disponible sur : https://bfcnature.fr/wp-content/uploads/2023/06/20220925_qdn_bp-jsl.pdf.