Le phytomanagement : dépolluer les sols grâce aux végétaux

Les scientifiques s’attellent à réhabiliter des champignons bien spécifiques pour perfectionner la dépollution des sols par les végétaux.

Qu’est-ce que le phytomanagement ?

C’est une solution fondée sur la nature qui utilise des espèces végétales pour réhabiliter des sols contaminés. Certains végétaux sont en effet capables de stabiliser, extraire ou dégrader efficacement des polluants. L’enjeu est important quand on sait que le seul Nord Franche-Comté compte pas moins de 120 friches industrielles, dont certaines, contaminées, sont dépourvues de végétation. Il n’y a rien de pire, car les polluants migrent alors très facilement vers l’eau et contaminent la chaîne alimentaire. Mettre en place un couvert végétal approprié permet a minima de retenir les métaux, et de dégrader les polluants organiques, comme les hydrocarbures. La démarche est importante, en l’attente par exemple de nouveaux projets immobiliers.

Pourquoi introduire des champignons dans le processus ?

Dans un contexte non perturbé, les plantes se développent naturellement avec des champignons dits « endophytes », qui se développent à l’intérieur des tissus végétaux. L’association mycorhizienne est l’une de ces alliances mutuellement bénéfiques bien connue. Or sur les sites contaminés, on observe une diminution du potentiel mycorhizien. Dans le cadre de nos recherches sur le phytomanagement, nous nous efforçons de rétablir la présence des champignons pour stimuler la croissance des végétaux. Lors de nos premiers essais, nous avions recours à des souches commercialisées. Les parcelles en ayant bénéficié montraient une productivité végétale significativement accrue. Cependant, les souches de champignons en vente restent assez génériques et sont peu tolérantes à la pollution, car issues de sols non pollués. Depuis quelques années, nous travaillons sur une bioaugmentation de souches déjà présentes dans les sols pollués.

En quoi consiste cette bioaugmentation ?

Nous prélevons des échantillons de racines issues de sols à dépolluer pour isoler des champignons endophytes et ne retenir que les plus performants. Plusieurs dizaines de souches ont pu être identifiées et caractérisées à ce jour. Elles ont été multipliées en laboratoire et devraient prochainement être réintroduites sur le terrain. Toutes ces étapes sont fastidieuses et représentent jusqu’à plusieurs mois de travail pour le développement d’une souche. Cette approche au cas par cas est pour autant prometteuse, puisqu’elle est véritablement adaptée à un site. Elle permet par ailleurs de contourner la problématique d’autorisation de mise sur le marché des biostimulants. La commercialisation de ceux-ci est en effet encadrée par une réglementation européenne, mais les souches provenant des mêmes sites que ceux auxquels elles sont destinées ne sont pas concernées.

Michel CHALOT, Professeur de Biologie végétale à l’Université de Franche-Comté et à l’Université de Lorraine

Le mot de l’expert

Le phytomanagement repose idéalement sur une combinaison d’herbacées et de ligneux à croissance rapide, tels que les peupliers ou les saules, afin d’atteindre différentes profondeurs du sol. Les biomasses de ces espèces peuvent constituer un double atout en étant ensuite valorisables. Ainsi, la Grande Ortie, une phytostabilisatrice qui pousse de façon spontanée dans certaines peupleraies comme celle du site atelier de Saint-Symphorien-sur-Saône, est une plante fourragère et alimentaire aux vertus médicinales, cosmétiques, qui fait aussi l’objet d’un regain d’intérêt pour sa fibre dans le textile et les biomatériaux. De la famille des brassicacées comme les choux, l’Alliaire est une excellente phytoextractrice de métaux, en particulier de zinc et de cadmium.

Pour en savoir plus

D’autres détails sur les associations plantes/champignons dans le phytomanagement sont à retrouver dans le n°35 de la revue BFC NATURE. Relisez également l’article « Les plantes au secours des sols pollués » paru dans cette rubrique et disponible sur : https://bfcnature.fr/wp-content/uploads/2023/06/20210307_qdn_bp.pdf.

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